Alors qu’une réunion publique était organisée par la Mairie de Belin-Béliet et Suez pour faire le bilan de leurs actions de lutte contre les eaux colorées, les habitants de Belin-Béliet n’ont pas dissimulé leur colère. Le face-à-face était particulièrement tendu.
Il est 19h30 ce jeudi 29 mars lorsque les derniers arrivants s’installent sur leur chaise, au sein de la salle des fêtes de Béliet. Devant eux, Étienne Cristofoli, adjoint au directeur de l’agence Suez Gironde, Simon Royer, expert hydraulique et Éric Prévost, responsable Suez du secteur Belin-Béliet s’apprêtent à entamer cette réunion publique d’information sur les phénomènes d’eau rouge dont est victime Belin-Béliet depuis 2017. L’audience, attentive, est composée d’une soixantaine de personnes. Plus qu’un bilan à présenter, il est aussi essentiel d’apporter des réponses aux nombreuses interrogations des belinétois, jusque-là sans aucunes informations concernant les origines du problème. À l’aide d’un diaporama projeté sur le mur, les trois hommes entament leurs explications, avec rigueur, précision et professionnalisme.
Une enquête menée depuis Février 2018.
Face à un phénomène d’eau rouge inexpliqué mais gagnant en intensité à partir de l’été 2017, Suez reçoit 140 dépositions qui permettent de qualifier le territoire comme étant en crise. Nous
sommes alors en Décembre 2017, une enquête est ouverte trois mois plus tard par le délégataire de la distribution d’eau et un plan d’action est défini en collaboration avec la mairie. Suez
commence par isoler les possibles causes de ce phénomène de colorisation de l’eau. Un défaut de traitement de fer ? Une possibilité très vite écartée étant donné les excellents résultats du
système de déferrisation installé en 2004 au château d’eau de Suzon. Une eau naturellement « agressive » ? Non plus. Il reste alors une dernière hypothèse : une utilisation
intempestive des hydrants, qui ne sont autre que les poteaux incendies. Très vite, la société s’aperçoit que des ouvertures sont constatées en pleine nuit, des horaires ne correspondant pas à
l’utilisation faite par le centre de secours du village. Dix vols d’eau sont constatés grâce à des capteurs installés aux abords des poteaux. Ces vols ont des conséquences considérables et sont
réalisés à partir de systèmes ingénieux, loin de l’amateurisme. Ainsi, les ouvertures/fermetures
intempestives provoquent un effet de « coup de bélier » qui provoque une mise en suspension de particules de fer. Pour Suez, nul doute ne peut subsister quant aux origines du problème.
Une plainte contre X est déposée pour vol d’eau.
Un plan d’action en trois phases
En parallèle de l’enquête menée, le plan d’action élaboré par Suez et la Mairie de Belin-Béliet débute en Décembre 2017 par une première phase, mobilisant la cellule « expert hydraulique » de l’entreprise. Elle permet de restreindre le champ d’action sur les hydrants. La deuxième étape dite « musclée » est venue cibler les secteurs du réseau à traiter en priorité, en menant 50 purges dirigées sur un ensemble de 30 kilomètres. Enfin, la troisième étape, encore en cours de déroulement, verra une continuité de purges menées sur Belin-Béliet. Pour lutter contre les vols d’eau, 20 hydrants seront équipés de dispositifs de surveillance. La population sera quant à elle sensibilisée contre les risques que peuvent représenter une utilisation intempestive des poteaux-incendies.
Un face-à-face tendu
Aux termes de ce quart d’heure de parole était venu le temps des questions des habitants. Et c’est un artisan du village qui lance les hostilités en prenant la parole. Loin de vouloir lancer des
fleurs à ses interlocuteurs, il entame sa tirade avec un brin d’humour, sans camoufler le ton incisif de son propos : « J’ai eu de l’eau couleur chocolat. Il ne manquait plus que les
croissants pour avoir un petit-déjeuner. Ce que vous nous dites là, c’est une honte. Tout comme la gestion du problème. Vous avez porté plainte ? Très bien, mais si le problème
persiste, il y aura cette fois-ci une seconde plainte et je suis prêt à monter une association pour nous défendre ! ». Le cadre est posé. Le climat change. Pour lui et d’autres
personnes présentes dans la salle, le problème ne date pas de l’été 2017 mais bel et bien depuis 15 ans. La vétusté des canalisations est alors incriminée, Suez le reconnait. Face aux dommages
causés par cette eau ferrugineuse, notamment sur les appareils ménagers, les questions se multiplient quant à un éventuel dédommagement financier à auprès des victimes. Suez répond du tac au
tac : « Si des cas doivent être traités individuellement, ils le seront. Nous assumons nos responsabilités ».
Une mauvaise communication, une eau avec un gout
Le manque d’information au cours de ces fréquents épisodes d’eau coloré est également pointé du doigt, au même titre que la mauvaise communication du coté de Suez et de la mairie. Pour répondre à cela, la Maire Marie-Christine Lemonnier rappellera qu’un numéro vert était à disposition sur le site de la mairie et qu’une communication sur un problème toujours méconnu n’avait aucun sens. Au premier rang, une belinétoise s’adresse à son tour à Suez. Elle regrette qu’au fil des années, le goût de l’eau se soit détériorée. Elle aurait un gout de javel et de terre. Son témoignage reçoit les applaudissements de la salle. Suez affirme alors que l’Agence Régionale de la Santé veille à la qualité de l’eau, l’un des représentants soulignant également que l’eau du secteur est l’une des meilleurs de la région. Il n’en fallait pas plus pour enflammer l’audience, un spectateur rétorque : « C’est aussi la plus chère », un autre invite les représentants Suez à une petite dégustation à son domicile pour prendre réellement conscience du gout de l’eau.
Une passe d’arme incisive et animée qui durera plus de deux heures entre les différents acteurs de cette réunion publique durant laquelle des habitants reprocheront le fait de ne pas avoir reçu de bouteilles d’eau potable pour pallier à la situation, ainsi que le manque de rapidité pour établir un diagnostic jugé peu crédible par une habitante ovationnée par l’assemblée. Toutefois, l’assemblée s’accorde à souligner la réactivité des agents Suez. Si le problème semble peu à peu disparaitre sur l’ensemble de la commune, il n’en demeure pas moins que cette eau colorée n’a pas fini de faire parler. Des questionnements subsistent toujours quant aux dédommagements évoqués ? Qui et combien de personnes seront indemnisés alors que le nombre de personnes touchés n’est pas connu ? À quelle hauteur ? Réponse dans les mois à venir…