Par Corentin Barsacq
Dans la commune de Belin-Béliet, l’église Saint-Maurice de Béliet est fermée depuis 1999. Face au danger que représente l’état actuel de l’édifice, une association a décidé d’agir.
Donner une seconde vie à l’ancien, c’est ce que fait chaque jour Alain de Sigoyer dans son ébénisterie. Figure du coin, il préside l’association « Une Pierre à l’édifice » Le but : s’attaquer à son plus grand chantier, l’église Saint-Maurice de Béliet. Au-delà de la défense du patrimoine religieux, il en fait une question d’honneur : « c’est respecter nos anciens que d’entretenir ce qu’ils nous ont légué ».
Pour cette vieille dame de pierre construite en 1856, le temps ne répare pas. Majestueuse par sa hauteur, l’église belinétoise a perdu de sa superbe, malmenée par les tempêtes de 1999 et 2009 qui avaient ravagé le Sud-Ouest. L’élégante flèche néogothique menace désormais de s’effondrer sur les habitations voisines. Aux abords de l’église, des grilles délimitent un espace interdit au public. D’imposantes pierres sont tombées au sol, rassemblées entre elles au pied du clocher.
Elles sont les preuves irréfutables d’une inquiétante fragilité. Dans le village, la tristesse laisse place à la consternation. David Serrao est l’un des derniers enfants à avoir été baptisé dans ce lieu : « C’est une partie de notre patrimoine qui est laissée à l’abandon. Elle doit être rénovée ! » exige le jeune homme aujourd’hui âgé de 21 ans. Bernard Chapuzet est un habitant de Belin-Béliet. Retraité actif dans la vie associative, il connait particulièrement le passé de l’église. En 2010, il a recensé tous les incidents rencontrés depuis la construction de l’édifice. Dans ses feuilles, il est noté qu’en 1956, une erreur fatale a été commise.
Serge Ballion, ancien adjoint au Maire et en charge du dossier de l’église Saint-Maurice raconte : « Il a été décidé de bétonner l’intérieur de la flèche. C’est une bêtise sans nom. Cela a rendu la pierre perméable ». La réalisation de ce coffrage en béton est responsable aujourd’hui du développement de salpêtre, un nitrate de potassium qui creuse la pierre.
« Déposer le clocher pour alléger la structure »
Malgré la gravité de la situation « comparable à un sucre en train de fondre », Alain de Sigoyer refuse de penser que c’est un point de non-retour. Pour lui, cela ne fait aucun doute, la flèche de l’église doit être remplacée par un matériau plus léger. En ardoise ou en bois, il semble primordial de procéder à cette opération. Mais la situation est urgente. En Décembre dernier, le président de l’association est monté au clocher afin d'évaluer l’étendue des dégâts.
« Sur une épaisseur considérable, la fiente recouvre le sol. L’accès à la flèche est périlleux. Le pas est fébrile. Il faut emprunter un escalier de pierre suspendu dans le vide pour ensuite grimper sur un escalier en bois. Ce dernier semble être ici depuis des siècles tant il est dégradé. En réalité, il date seulement de 2009, année durant laquelle quelques travaux avaient été réalisés ». Dans le point culminant de l’édifice, Alain de Sigoyer a remarqué une fente entre le béton et la pierre. Le constat est aussi simple qu’alarmant : Si le coffrage tombe, il emportera avec lui la flèche ainsi que l’ensemble de l’édifice. Il aura fallu une visite de ce type pour s’apercevoir du risque imminent d’effondrement.
Un financement trop lourd à assumer
Par la plume de son président, l’association Une Pierre à l’édifice a écrit une lettre au Préfet de Gironde. Alors que le dossier de l’église était laissé aux oubliettes, Alain de Sigoyer et la vingtaine d’adhérents ont remis le sujet sur la table des discussions. En Décembre 2018, après un entretien avec la maire Marie-Christine Lemonnier, l’illusion est devenue espoir. La municipalité refuse elle aussi de voir son édifice périr par les dégâts du temps. Si l’édile belinétoise reste muette malgré les sollicitations, une adjointe à la mairie accepte d’en dire plus concernant la réouverture : « La volonté de la municipalité est de trouver une solution. Déposer la flèche pour en installer une plus légère est l’hypothèse la plus plausible » admet l’élue.
Mais un problème de taille noircit le tableau : « Belin-Béliet ne peut assumer financièrement cette opération ». Des devis commandés par la mairie estiment le montant des travaux entre 600 000 et 1 000 000 d’euros. Dans l’impasse, mairie et association convergent ensemble pour trouver une solution en adéquation avec les moyens de la commune. Une collecte de dons est envisagée par le biais de la Fondation de France.
La municipalité et les habitants rêvent déjà d’une réhabilitation du lieu dans un tout autre registre : « Ce lieu pourrait être utilement dévolu aux activités sociales et culturelles » estime Bernard Chapuzet. À Belin-Béliet, deux autres églises sont ouvertes au public. Pour l’heure, le temps n’est pas à la projection mais à l’urgence d’agir. Par de petites actions comme le nettoyage de la nef, Une Pierre à l’édifice maintient l’espoir d’entendre un beau matin, les cloches de Béliet sonner. Les belinétois espèrent qu’un jour, les portes se rouvriront pour ne plus jamais se refermer.