Par Aurélie Decreus
À l'occasion des Journées Européennes des Moulins samedi dernier, le Moulin de Dubern a ouvert ses portes au public à Salles. Il est l'incarnation d'un savoir faire d'antan qui résiste à l'ère industrielle par une mécanisation maitrisée.
Par groupes de quelques personnes, les visites se sont succédées toute la matinée au coeur d'un précieux patrimoine. À Salles, le moulin de Dubern est un fleuron du savoir-faire à l'ancienne, qui a su se moderniser tout en respectant l'âme d'une pratique authentique. En guise de chef d'orchestre de la matinée, Thierry Vienat, responsable de production, conte les origines d'un moulin qui tire son nom du ruisseau que l'on enjambe en arrivant dans ce lieu bucolique.
Le moulin de Dubern, une histoire de famille
Sur le cadastre, on trouve des traces de la propriété dès le 15ème siècle mais personne ne sait dire si le moulin existait déjà à cette époque. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que la famille Dufaure en est propriétaire depuis 1904. Pour la petite anecdote, Jean-Yves Dufaure est né dans la pièce qui jouxte la partie magasin du moulin. Il a grandi dans cet écrin de verdure puis y a travaillé avant de laisser les rênes à Isabelle, sa fille, cinquième héritière de l’entreprise. Le moulin a lui aussi changé au fil des époques. Du temps où l’arrière-arrière-grand-père de Jean-Yves Dufaure rachetait la propriété au début du siècle, l'installation n'était autre qu'un moulin à eau. Mais ne cherchez pas les vestiges d’une roue à aube. La technologie employée consistait en une turbine noyée dans laquelle l’eau était canalisée. Un ingénieux système d’axes, de courroies et de poulies faisaient quant à lui tournoyer les meules comme des toupies.
Un fonctionnement mécanique
Depuis quelques années, le moulin fonctionne grâce à un moteur. Le « plansichter » est l’appareil le plus impressionnant de cette nouvelle installation. Il ressemble à une énorme armoire suspendue et maintenue uniquement par six points d’ancrage : des bâtons de rotin. La machine qui contient plusieurs tamis rectangulaires trône au troisième étage du moulin et s’ébroue à n’en plus finir : un boucan d’enfer. Thierry hausse le son de sa voix, le public fait cercle autour de lui pour mieux l’entendre. Il nous explique que la « bête » - cinq tonnes en fonctionnement - avale le blé broyé et le tamise douze à quatorze fois avant de recracher la farine dans les silos. Le cycle dure ainsi quinze minutes ce qui représente une tonne et demi de farine à l’heure.
Les Dufaure, irréductibles meuniers au milieu des géants
« Les gros moulins fabriquent en un jour la même quantité de farine que nous mettons plusieurs mois à produire » témoigne Thierry. Pourtant le Moulin de Dubern résiste à la concurrence de l'industrie minotière. L’entreprise est certes à taille humaine mais les clients sont fidèles à son savoir-faire. Le moulin fournit les boulangeries artisanales de la Charente jusqu’au Pays-Basque et la matière première qu’est le blé provient du grand Ouest.
Le bruit des machines, les odeurs… le parcours sensoriel se poursuit avec la dégustation du blé à ces différents stades de broyage. Thierry, en expert, le prélève directement dans les broyeurs. Et comme la farine est ici fabriquée à base de blé de panification, c’est tout naturellement que la visite se termine au fournil où Jean-Yves Dufaure prépare devant les yeux gourmands des visiteurs, différents types de pain. A peine sortis du four, difficile de résister à la tentation de les goûter !