Par Corentin Barsacq
La place de Béliet porte leur nom. Et pourtant, nous n’en savons que trop peu de ces trois frères sacrifiés sur le champ de bataille et morts pour le drapeau tricolore. Le Belinétois vous raconte l’histoire d’un dévouement admirable pour leur patrie.
Nous passons devant tous les jours, sans y prêter attention tellement l’inscription semble anecdotique. Fixée sur l’église Saint-Maurice de Béliet, une sobre plaque commémore des frères morts pour la France au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Ils sont les fils de Sylvain Saint-Martin Estremé, maréchal des logis de gendarmerie et de Madeleine Grenier qui aurait tenu un bureau de tabac au début du siècle dernier. La fratrie a donc grandi à Béliet, les parents étant propriétaires de la grande maison située en bordure de la Nationale 10, face à l’ancienne mairie de Béliet.
Jean-Baptiste Adolphe Estremé est né le 30 mai 1881 à Biganos. Ainé des trois frères, il est formé à l’école militaire de Versailles entre 1905 et 1906. Colonel officier durant les deux guerres, il est décoré de la Légion d'Honneur et de la croix de guerre avec deux étoiles d’argent pour sa participation à la première guerre mondiale.
S’il fait partie des rares villageois à revenir sain et sauf du premier conflit mondial, l’atrocité des combats contre l’ennemi allemand aura raison de lui. Engagé au front lors de la Seconde Guerre, il est transporté à l’hôpital militaire de Montpellier où il décèdera le 7 octobre 1940 à l’âge de 59 ans d’une maladie aggravée ou non imputable au service. Pour une raison inconnue, il n’est pas reconnue "mort pour la France" mais le mémorial de Saint-Cyr le considèrera comme tel.
Mort dans les camps le jour de Noël
François Jules Estremé est né deux ans après Adolphe, le 06 mai 1883 à Biganos. Comme son frère, il se dirige vers l’armée en faisant une école militaire de l’Artillerie et du Génie en 1904. Au cours de la première guerre mondiale, il évite la mort à deux reprises. Capitaine d’un régiment d’artillerie, il est blessé à la cuisse droite le 30 août 1914 au combat de Séry-lès-Mézières mais continue de se battre pour son pays. C’est ainsi que le 7 août 1918, il est intoxiqué au gaz. Chevalier de la Légion d’Honneur en 1919, il est chef d’état-major de la 16ème région militaire en 1937.
Il se marie avec Valentine Semenou, originaire du Pays Basque. Lors de la défaite française, il approche le groupe de résistant de Béliet afin de rejoindre le maquis, mais sa supposée imprudence déplait aux responsables. Il s’oriente donc vers d’autres groupes avant d’être capturé par l’ennemi allemands.
Déporté au camp de concentration de Neuengamme, il est le matricule 31062 et décèdera le 25 décembre 1944. À titre posthume, il est commandeur de la Légion d’Honneur en 1944 par décret de 1947 ainsi que médailler de l’Ordre de la Libération. Son corps sera rapatrié à Belin-Béliet.
Le dernier frère est mort en Savoie
Le dernier frère n’échappe pas à un destin semblable. Né lui aussi à Biganos le 6 avril 1885, Jean-François Estremé est engagé volontaire dans l’armée pour trois ans à Bordeaux dès 1904. Maréchal des logis en 1907, il est rengagé pour deux ans avant d’entrer dans l’école militaire de l’Artillerie et du Génie en 1909. Le 27 septembre 1913, il épouse Gabrielle Désert à Béliet avant de partir pour la Grande Guerre. Promu capitaine en 1915 dans des régiments d’artillerie, il est blessé à la main droite le 18 août 1918. Lieutenant-colonel en 1933, il fait carrière dans l’armée avant d’être colonel en 1939 dans la 6e compagnie d’Artillerie. Le 27 septembre 1939, à Challes-les-Eaux en Savoie, Jean-François Estremé décède de mort subite.
Voici le récit de trois destins réunis pour une issue tragique au terme d’un admirable patriotisme. Le 8 mai 1982, la municipalité de Belin-Béliet renommait la place de l’église en place des Frères Estremé en présence de trois filles des disparus. Au cimetière de Béliet, Jules Estremé est enterré aux côtés de son épouse Valentine, tandis que le colonel Jean-François est dans le caveau familial.