Par Corentin Barsacq
Le lundi 14 février au soir, le conseil municipal de Salles a donc approuvé l'achat du château de Salles par la commune. Construit entre 1657 et 1659, le château de Salles est un monument local en perdition depuis de nombreuses années. Entre ses murs, les ravages du temps et le poids de son histoire nécessitent un chantier d'une ampleur dantesque afin de réhabiliter les lieux.
De l’extérieur, les volets disloqués et les fenêtres brisées ne sont que les prémices d’un désastre visuel pourtant paradoxal à la vue de la belle construction. Le château de Salles, monument historique de la ville, n’est aujourd’hui qu’un bâtiment dépourvu d’âme. De son intérieur, les Sallois ne peuvent que consulter des vidéos « d’Urbex », des explorations interdites en plein cœur de bâtiments désaffectés. Récemment, une vidéo tournée en mars 2019 montrait un château sens dessus dessous. Le paysage désolant se réitère dans chacune des pièces filmées par l’auteur anonyme de la vidéo. De l’époque où le château était habité ne perdure qu’une partie du mobilier tels qu’un piano ou quelques chaises renversées.
La propriété d'un puissant seigneur
C’est à la fin de la Renaissance que la demeure est érigée en plein cœur des Landes de Gascogne. Propriété de Jean de Pontac, issue d’une famille parlementaire bordelaise du XVIIe siècle, le château de Salles est imposant et nécessite une minutie particulière. C’est d’ailleurs pour cela que la construction est placée sous la surveillance d’Artaud Masson
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Au fil des années, les familles en possession du bien défilent. Le château sera le lieu de résidence des seigneurs de Montferrand au XVe siècle puis deviendra la résidence secondaire de la famille Pichard dont le propriétaire, Nicolas, faisait partie de la noblesse de robe.
Dans son ouvrage « La Leyre, contes et chroniques d’autres temps », l’auteur sallois Serge Martin revient sur la vie du seigneur de Salles et ses pouvoirs dans la localité : « Président influent du Parlement, possédant plusieurs seigneuries et venant d’acquérir pour un million de livres le château Lafitte en Médoc. Comme beaucoup de nobles, il avait des dettes, menait grand train de vie dans son hôtel de la rue du Mirail. Il comptait bien augmenter ses profits. Son régisseur, Jean Clerc, lui rendait compte en détail des recettes et revenus générés par la seigneurie. Pour passer outre les franchises en vigueur depuis plus de deux siècles, Pichard employait un féodiste nommé Grassiolet qui, depuis fort longtemps, exaspérait le peuple avec ses prétentions. »
La colère paysanne devint révolutionnaire
Dans la seigneurie de Salles, l’injustice règne. Pichard augmentait l’imposition à sa guise, et Grassiolet taxait à outrance. En guise d’exemple, l’instauration d’une taxe dès lors qu’un berger faisait paître son troupeau dans la cité salloise. Une avidité que ne digère pas la paysannerie, qui transmet par le biais du marchand Jean Frapié, une missive afin de marquer la contestation. Sur les terres du Val de l’Eyre, Jean Clerc représente le seigneur.
Né à La Teste en 1755, le jeune homme est en charge d’administrer les biens de Nicolas Pichard. Issu d’une vieille et influente famille bourgeoise, Jean Clerc se maria à Jeanne Ménesplier, fille d’une riche famille de marchands de la paroisse de Salles. Collaborateur de la noblesse, il est en charge de transmettre à ses maitres les prix des grains, de la résine, de la laine. Mais ni lui, ni la protection de Nicolas Pichard ne pourront éviter la Révolution.
Arrêtée à l’Ouest de Paris, la famille Pichard est emprisonnée fin 1793. Quelques mois plus tard, le comité de sûreté générale ordonne l’arrestation de Clerc. L’homme est transféré à Paris afin d’être traduit, aux côtés, des Pichard devant le Tribunal révolutionnaire et l’accusateur public Fouquier-Tinville. Le 30 juin 1794, après un procès expéditif, tous sont condamnés à mort.
La famille Pichard et Jean Clerc furent guillotinés sur la place de la Barrière de Vincennes. Quid du château ? Il fut par la suite revendu à Raoul Brun au début du 20ème siècle avant d’être la propriété d’un dénommé Choqué, avocat à Paris. Dans un accident de voiture, son épouse et lui décèderont et le château reviendra à leur fille.
Sources
Serge Martin et Marnie : « La Leyre, contes et chroniques d’autres temps », Les Dossiers d’Aquitaine.
Extrait du Bulletin n° 13-14 du 3e et 4e trimestres 1977 de la Société historique et archéologique d’Arcachon et du pays de Buch.
Publication des recherches de Raphael Vialard sur le groupe " HTBA - Histoire et Traditions du Bassin d'Arcachon"