Par Corentin Barsacq
Dans sa palombière familiale ou aux abords du stade Raymond Brun, Guy Dupart, retraité, n’est jamais trop loin de ses origines. Portrait d’un garçon élevé dans la résine et devenu homme dans la mêlée.
Il y a quelques mois, Guy Dupart avait fait une petite pause dans son agenda de paloumayre pour parler de ses différentes vies. Celles d’un homme passionné, apaisé et aux récits captivants. Regard lumineux, cheveux grisonnants, il s’affaire ce jour-là à la rénovation de la maison familiale à Béliet : « Elle est restée dans son jus » observe-t-il.
Né à Lugos, à l’aube des années 50, Guy Dupart a grandi à Béliet dans ce même lieu chargé d’histoire. Fils d’un marchand de poisson et d’une mère qui s’occupait du bétail, il découvre le gemmage par son grand-oncle, la chasse à la palombe par son père. À 74 ans, Guy n’a rien oublié de cela. Il est désormais greeters pour l’office de tourisme du Val de l’Eyre et transmet le flambeau de résine aux plus jeunes.
La découverte du sport, une révélation
De sa jeunesse dans la cité d’Aliénor, il retient la découverte du sport avec le foyer des jeunes, les après-midis passés au viaduc de Béliet à grimper sur les trains en marche et l’enseignement reçu par Henri Salinier : « C’était un grand monsieur. Il a contribué indirectement à l’évolution de l’école en matière sociale. » Évacuant sa fougue juvénile à travers différentes disciplines, le jeune homme de l’époque est pétri de talent. Entre le canoë, le football et le rugby à Béliet, Guy Dupart a fait le choix du cœur. Il épouse l’ovalie avant de s’orienter vers l’Union sportive de Salles à la disparition du club belinétois. En 1964, il intègre les cadets aux côtés des frères Boyrie, de Douence, Perez et d’autres noms bien connus du club. Là-bas, Guy Dupart s’aguerrit, se renforce.
Au poste de ¾ aile, celui qui se fait appeler « Guitou » devient un soldat rouge et blanc et ne s’échappera pas. Et il sera tout autant impliqué dans son métier : celui de professeur de sport au collège de Salles avant d’enseigner les Sciences de la vie et de la Terre : « J’ai vu défiler plusieurs générations. Parfois, au fond de la classe, on retrouvait les mêmes noms de famille à quelques années d’intervalles. J’avais l’impression que c’était leur père ou leur mère. » Défenseur de l’enseignement d’antan, il dresse un constat profond quant à l’évolution de l’école : « À notre époque, il y avait des règles. Le respect des valeurs, cette morale, cette façon de se comporter. On enseignait la vie. »
Un rugby de clocher pour un joueur du terroir
Ces valeurs, la pelouse de Lanquette lui inculque. En ¾ aile toujours, il goûte à l’équipe réserve lors de sa dernière année en catégorie Junior. Quelques apparitions en équipe première viennent ponctuer son début de carrière jusqu’en 1970, où l’US Salles descend en 3ème division. « Ça a été un coup de massue pour le club » se souvient-il. Pour bâtir les fondations d’un nouvel élan, le rugby de Salles décide alors de repartir au combat avec une armée du cru. Guy fait partie des plans. Le début d’une longue et historique ascension.
En 1972, il fait partie de l’effectif qui ramène Salles en deuxième division. Deux ans plus tard, l’euphorie gagne le Val de l’Eyre. À 25 ans, il fera partie de l’équipe qui défiera Castelsarrasin à Marmande et qui, malgré une défaite en finale, validera son billet pour la première division. Emblème d’un rugby de clocher, emmenés par Auguste Ayphassorho, les Sallois accueillent les plus grandes équipes françaises de l’époque. Et si le combat s’avère déloyal, ils font sensation à travers la France entière pour leur combativité et leur abnégation. Apogée d’une époque faste, un titre historique de champion de France de deuxième division obtenu dans le Périgord Noir. À Sarlat, Salles sortait victorieux d’un duel engagé contre Vichy sur le score de 16 à 15. Un titre historique à l’aube d’une seconde carrière pour Guy Dupart, celle d’entraineur.
Aux côtés de Yves Appriou et Roland Lafon notamment, il entrainera l’équipe A de l’USS à partir de 1985 et reviendra de 1994 jusqu’à 2002. Des anecdotes sur des rencontres marquantes contre Narbonne ou Béziers jusqu’à une fine analyse de l’évolution du rugby, Guy Dupart semble encore dans la mêlée : « Aujourd’hui, on voit rarement du jeu au large. À Salles, on a toujours prôné le contournement mais force est de constater que les joueurs créatifs ont peu à peu disparu du jeu en France. »
À la retraite, le plaisir des palombes
En 2011, l’enseignant prend sa retraite. Avec Claire, son épouse depuis 50 ans et leurs deux enfants, « la fin d’une première vie » n’est pas si déplaisante que cela : « Ça me laissait le temps d’aller à la palombière » se réjouit ce passionné de la forêt. Alors à l’arrivée de la fièvre bleue, il s’engouffre sous les pinèdes pour préparer le terrain.
À l’ouverture, il accueille les copains pour des journées de passionnés : « J’y vais depuis tout jeune. Je monte aux arbres, j’installe les appeaux. C’est un plaisir qui procure des émotions que l’on ne retrouve qu’ici. » Chasse au sol ou au fusil, Guy Dupart a ses affinités même s’il reconnait sans mal que le bilan est de plus en plus maigre : « Il y a dix ans, on prenait pas mal de palombes avec la méthode du filet. Aujourd’hui, on en voit moins. C’est un peu comme la loterie. On gagne ou on perd car on est trop gourmand. »