Par Corentin Barsacq
Le lundi 18 juillet, alors que le feu de Landiras était à l'apogée de sa violence, les flammes entraient dans les lagunes du Gât Mort et le domaine d'Hostens. Plusieurs jours après le sinistre, le paysage est désolant. Unique en Gironde, le site est une merveille pour le patrimoine naturel du territoire. Il portera désormais les stigmates d'un gigantesque brasier.
« Escota las graulhas, que trobaras las lagüas. » L’adage est connu de celles et ceux qui ont un jour fréquenté les vastes espaces offerts par une nature généreuse, à cheval sur les communes d’Hostens, Louchats et Saint-Magne. « Écoute les grenouilles, tu trouveras les lagunes » disait-on à l’époque. Vestiges naturels de lande d’antan, celle qui n’avait pas encore été asséchée par la loi impériale de 1857 instaurant l’assainissement des marécages des Landes par la plantation du pin maritime, les lagunes du Gât Mort incarnent une forme de résilience qui a traversé les siècles.
On pensait ses mares stagnantes immuables, figées dans le temps. Les efforts consentis par le département de la Gironde, propriétaire des lieux, afin de les mettre en valeur, et la biodiversité riche qui habitait le lieu insufflaient une atmosphère unique, faisant de cet endroit un véritable havre de paix. On en avait presque oublié son ennemi le plus imprévisible, initié par les mains d’un criminel, venant troubler la quiétude par la force de ses flammes dévastatrices.
Un paysage unique en Gironde
Près du ruisseau du Gât Mort, qui prend sa source dans les marais d’Hostens pour finalement se jeter dans la Garonne, les lagunes composent le plus vaste Espace Naturel Sensible en Gironde aux côtés du Domaine d’Hostens, leur superficie étant de 730 hectares, dont 135 recouverts de zones humides. Richesse inestimable des Landes de Gascogne, l’espace bucolique abrite une faune d’exception, et des paysages singuliers formés il y a plusieurs centaines de milliers d’années, sous l’ère glaciaire. Le changement de climat a ensuite créé ces mares circulaires, toujours présentes au XXIe siècle. Surtout, le site fut aménagé par le département afin d’en faire un lieu de promenade au cœur d’une nature pure, où cohabitent la Rainette ibérique ou encore la Cistude d'Europe.
C’est donc le territoire des landes-girondines que l’on aperçoit dans sa forme primaire, sauvage, et si rare de nos jours, où les libellules, les busards des roseaux ou encore la fauvette pitchou constituent des espèces de passage qui apportent gaieté et calme à la zone naturelle. La proximité immédiate avec la nappe phréatique permet à certaines lagunes de bénéficier d’un niveau d’eau constant, observable par le biais d’un joli sentier de trois kilomètres installé par le Département.
En mars 2019, les lagunes du Gât Mort avaient déjà été en proie aux flammes, dans un incendie qui avait détruit 20 hectares de végétation. En ces temps-là, ce sinistre avait laissé apparaître son altérabilité. Cet évènement, relégué dans les rangs des mauvais souvenirs, s’est donc répété, cette fois-ci à pleine puissance.
Il faudra du temps, pour ne pas dire des décennies, afin que les lagunes du Gât Mort retrouvent leur aspect originel, tout comme leur biodiversité ravagée par la violence d’un feu sans pitié. Pour l’heure, le site est fermé au public.