Par Corentin Barsacq
Au soir du mardi 9 août, l’incendie de Saint-Magne perforait la forêt belinétoise. Xavier Mutin et Anthony Nossein, sapeurs-pompiers au sein du centre de secours de Belin-Béliet, racontent leur combat au cœur d’un gigantesque brasier qui a ravagé 7 500 hectares de pins.
Entre les murs de la caserne de Belin-Béliet, les cernes se sont estompés. Les mines harassées ont laissé place à des sourires, et à une hospitalité de circonstances. Il faut dire que l’ancien Domaine Fabre situé dans le bourg de Belin accueille ce jour-là les sapeurs-pompiers de la Manche, mais aussi les treillis d’un régiment de l’armée de l’air, venus prêter main forte en Gironde dans la lutte contre les flammes. Autour d’un café et de viennoiseries offertes par la population, Anthony Nossein et Xavier Mutin refont le monde. Un monde constitué de flammes, de phase d’attaques, de craintes et de dévouement.
Le mardi 9 août, dans l’après-midi, une reprise du feu de Landiras se déclenchait entre Saint-Magne et Hostens : « Depuis le balcon de la caserne, on voyait le nuage de fumée. C’était malheureusement une belle photo, mais elle était triste » se remémore Anthony Nossein. Quelques heures plus tard, les premiers sapeurs-pompiers se positionnent dans certains quartiers de Belin-Béliet, pendant que d’autres combattaient déjà dans les forêts des communes voisines.
« On a passé notre nuit à protéger des maisons »
Qu’ils soient volontaires ou professionnels, les deux confrères s’accordent sans une once d’hésitation : « On ne pensait jamais qu’un tel feu toucherait un jour Belin-Béliet ». Et pourtant, les 10 pompiers professionnels et les 50 volontaires de la localité avaient connu les incendies de La Teste et Landiras 1 : « Le feu avait une vitesse de propagation qui était dingue. En neuf ans de carrière, je n’ai jamais vécu un tel feu » assure Anthony Nossein. « Et puis ce feu était à Belin-Béliet. Forcément, on ne le vit pas de la même manière » poursuit-il.
Le mardi soir, alors que le quartier de Joué est évacué, Xavier Mutin fait partie de ceux qui vont voir les flammes ravager les premières maisons. Ses collègues disent de lui « qu’il ne se sort pas facilement », qu’il est « rude » face aux flammes. Mais ce soir-là, le combat est inégal face à un monstre déchaîné : « Le feu s’est propagé trop rapidement. On était dépassé. Durant toute la nuit, nous n’avons fait que des phases d’attaques pour défendre des maisons. Dès qu’on avait fini d’en protéger une, il fallait rapidement se rendre sur une autre » relate le volontaire.
Surtout que la lutte de nuit n’est pas une mince affaire : « Il est plus difficile de s’engager la nuit. On peut éprouver des difficultés à se situer, et si l’on est piégé par les flammes, les Canadairs ne sont pas là pour larguer sur nous » complète le Belinétois. La journée du mercredi aura été intense : « Nous avons poursuivi la protection de certains quartiers comme Cavernes, ou Le Hillan » précise Anthony Nossein, engagé tout au long de la journée et qui relate un fait marquant : « On s’est retrouvé à défendre des maisons qui appartenaient à des collègues et amis ».
« Je ne me considère pas du tout comme un héros »
Plus qu’un incendie, ce feu a insufflé une atmosphère inédite : « C’était bizarre de rouler en CCF en ville et de traverser Belin-Béliet sans une seule voiture » enchaine Xavier Mutin. Depuis que le feu de Saint-Magne est fixé, le traitement des fumerons se poursuit, sous la houlette des sapeurs-pompiers et des bénévoles.
Pour la mobilisation de ces derniers, les deux soldats du feu manquent de mots : « C’était exceptionnel. Que ce soit pour les feux de La Teste, de Landiras comme pour celui de Saint-Magne, nous n’avons manqué de rien. Toutes les heures, des mecs passaient pour nous apporter de l’eau. Beaucoup de gens sont venus faire des dons directement en caserne. C’est beaucoup trop » assure Anthony Nossein.
Avec le recul, les deux hommes assurent ne pas avoir ressenti de peur, mais une montée d’adrénaline singulière. « Avec l’ampleur du feu, sa médiatisation et le soutien de la population, on a vécu quelque chose qui n’est pas courant. Mais à titre personnel, je me considère pas du tout comme un héros » lance le pompier professionnel. « On aurait été des héros si on avait réussi à l’éteindre d’un seul coup » pense quant à lui Xavier Mutin.
Désormais, les forces engagées tout au long de la saison estivale n’espèrent qu’une seule chose : « la pluie », comme ils le martèlent à l’unisson. Et si l’été a été particulièrement soutenu pour eux, les deux l’assurent sans mal : « Si on doit repartir sur un feu demain, on ira sans réfléchir. »