Par Corentin Barsacq
Considéré en partie comme un territoire propice au développement éolien, le Val de l’Eyre, comme l’ensemble de la Gironde, est jusque-là épargné par l’arrivée d’éoliennes. Mais la consultation récemment lancée par la Préfecture auprès des maires de Gironde pousse à la réflexion. Le Belinétois révèle qu’un projet d’implantation de trois éoliennes est en pourparlers dans le Val de l’Eyre.
Le constat est connu des élus, et figurait même au sein d’un diagnostic territorial réalisé en 2017. Le Val de l’Eyre, comme 11,3% du territoire girondin, est considéré, pour une certaine partie, comme un territoire propice à l’éolienne, notamment sur les communes de Belin-Béliet, Saint-Magne, Salles, Le Barp, mais aussi sur une partie de Lugos ou encore, plus largement à Hostens. De quoi susciter quelques craintes de la part de certains élus invités à se prononcer sur le sujet dans le cadre d’une vaste consultation lancée il y a maintenant plusieurs semaines. « Les communes doivent rendre un avis sur l’éolienne » résume le maire de Belin-Béliet Cyrille Declercq.
Tous les maires de Gironde ou presque ont donc pu consulter une cartographie indiquant les différentes zones propices à l’éolienne. Le fruit d’une longue réflexion entamée en début d’année 2021, lorsque le gouvernement avait demandé aux préfets de région, au travers d’une circulaire, de créer des cartographies laissant apparaître des zones favorables à l’implantation des éoliennes. En raison du dérèglement climatique, l’État souhaite en effet accélérer le développement des énergies renouvelables dans le but de décarboner le secteur de l’énergie.
Dans un document transmis aux élus girondins, la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine indique que la cartographie a été élaborée en collaboration avec des associations de protection de l’environnement, des représentants de la profession, des gestionnaires de réseaux ou encore les services de la Région.
Que dit cette cartographie ?
La carte présentée aux élus prend en compte trois grands enjeux, à savoir les enjeux de paysage et patrimoine, ceux de biodiversité et d’environnement, et enfin les enjeux militaires et civils.
À partir de là, quatre zones sont établies. La zone non préférentielle, dans laquelle « le développement de l’éolien terrestre est peu, voire pas favorable et nécessite des études spécifiques aux résultats trop incertains » et qui prend également en compte un rayon de 500 mètres autour des habitations, ainsi que trois autres zones déclarées propices : forts enjeux identifiés, enjeux modérés, et sans enjeux identifiés.
Selon nos informations, le Val de l’Eyre oscille entre zones à forts enjeux et enjeux modérés, tout comme le territoire voisin du Sud-Gironde. À l’échelle du département, sur les 9 980 km2 de surfaces, seulement 11% sont propices au développement de l’éolien terrestre. Sur ces 11% restants subsistent donc des enjeux, aussi bien environnementaux, que paysagers, patrimoniaux ou militaires. Dans le cas du Val de l’Eyre, et plus précisément de Belin-Béliet, le territoire est compris dans les contraintes aéronautiques militaires, notamment par le survol des avions militaires de la base aérienne de Cazaux, mais aussi paysagères, avec la présence du massif forestier des Landes de Gascogne.
En clair, une zone propice ne signifie pas pour autant qu’elle accueillera des éoliennes. Il suffit de s’intéresser à la répartition des surfaces situées en zone propice pour s’en rendre compte. Sur les 1 131 km2 de zones propices, aucun kilomètre n’est défini comme sans enjeu, nécessitant donc de multiples études de faisabilité du projet.
Un projet de trois éoliennes dans le Val de l’Eyre
Passé la théorie, place désormais à la pratique, et au concret. Questionné sur son point de vue à l’égard d’une potentielle arrivée des éoliennes dans le Val de l’Eyre, le président de la communauté de communes et maire de Salles, Bruno Bureau, a révélé au Belinétois l’existence d’un début de projet autour de l’implantation de trois éoliennes sur la commune de Salles. Si pour l’heure, l’élu affirme que rien n’est signé et qu’il s’agit simplement de pourparlers, certains détails du projet permettent d’en mesurer son envergure : « Il y a un peu plus d'un an, le promoteur a répondu à un appel à projet européen et cherche maintenant des propriétés pour s’y implanter » explique d’emblée l’édile.
Notons que l’implantation de ces trois éoliennes permettraient d’approvisionner en énergie des bornes de recharge de voitures électriques, bornes dont l’installation serait à proximité de l’espace de co-voiturage situé entre Salles et Belin-Béliet, en bordure de l’A63.
En bordure de l’A63, côté Lavignolle-de-Salles, c’est aussi là que Bruno Bureau estime que le projet pourrait voir le jour : « C’est une zone éloignée des habitations et dont l’impact visuel pourrait être moindre ». Il n’empêche que l’élu évoque un projet d’éoliennes nouvelle génération, permettant de capter des vents à une grande hauteur, et donc à l’aide d’un mât pouvant atteindre quelque 200 mètres, soit seulement 9 mètres de moins que la Tour Montparnasse. Seulement, le projet se dresse à des obstacles : « C’est un espace aérien de la base aérienne de Cazaux et l’Armée de l’Air ne s’est toujours pas prononcée sur le sujet ».
Quand bien même le projet est au stade embryonnaire et pourrait très bien ne jamais voir le jour, il est assez rare pour être souligné, puisque le taux d’échec au niveau des installations d’éoliennes en Gironde est ô combien élevé. Les derniers projets en date envisagés sur le département, du côté de la Haute Gironde et son estuaire, ont finalement été abandonnés suite à une forte mobilisation des populations locales.
Pour Bruno Bureau, l’idée n’est pas si farfelue, en comparaison aux parcs photovoltaïques : « Je ne suis pas pour les forêts de photovoltaïques, ni même pour des forêts d’éoliennes. Mais je préfère avoir trois éoliennes qui produisent plus et pour des surfaces moins grandes qu’un parc photovoltaïque ».
Plus partagé sur la question, le maire de Belin-Béliet Cyrille Declercq en appelle à une réflexion commune autour de ce qui doit être « un projet de territoire. » Parallèlement à cela, l’élu belinétois évoquait une réunion prochaine entre les élus du conseil municipal, mais aussi des représentants d’associations environnementales et de chasses, ou encore du Parc naturel régional des Landes de Gascogne afin d’établir un avis de la municipalité au sujet de la consultation initiée par la préfecture de Gironde.
Une cartographie loin d’être inédite
Si le terme « éolienne » peut provoquer quelques remous à l’échelle locale, ce n’est pourtant pas la première fois que des communes du Val de l’Eyre sont confrontées à lui. Lors de l’élaboration du schéma régional éolien (qui avait été annulé par l’État en 2015 avant d’être modifié en prenant en compte une évaluation environnementale), le document laissait apparaître qu’une grande partie de la commune de Saint-Magne, mais aussi une partie des communes du Barp, Salles et Belin-Béliet étaient en territoire favorable pour le développement de l’éolien. En 2017, la Communauté de communes du Val de l’Eyre indiquait, dans un diagnostic territorial provisoire, que les vols de l’armée empêchaient tout développement de projet éolien. En outre, le gisement de vent était considéré comme peu favorable.
Seulement, ce dernier point n’est aujourd’hui plus valide en raison des progrès technologiques apportés aux éoliennes, mais aussi en raison de l’élargissement des zones potentiellement exploitables. En partant du fait que les éoliennes terrestres peuvent être érigées jusqu’à une hauteur de 230 m en bout de pâle, elles permettent de capter des vents qui n’étaient auparavant pas atteignables. Aussi, certaines zones qui pouvaient être définies comme favorables lors du Schéma régional éolien ne le sont plus forcément aujourd’hui, la DREAL évoquant l’incompatibilité de certains mâts avec les zonages.
Quid du risque incendie ?
La grande interrogation dans ce dossier pourrait bien être liée aux conséquences des incendies dramatiques qu’a connu la Gironde au cours de la saison estivale. Alors que 72 000 hectares de forêt ont été ravagés par des incendies en France durant l’été 2022, l’impact d’une éolienne dans un paysage forestier n’est pas pris à la légère. Si la cartographie présentée aux élus n’est pas un document opposable, il n’en demeure pas moins que les zones propices sont, pour certaines, comprises dans des espaces particulièrement sensibles aux incendies.
Soumises à la réglementation des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE), les éoliennes doivent être assujetties à diverses études autour du risque de propagation d’un incendie à partir de l’installation. La DREAL indique par ailleurs que depuis 2012, seulement cinq incendies de végétation ont été déclenchés par des éoliennes en France.
Sur l’impact concernant la lutte aérienne contre les feux de forêt cette fois-ci, la DREAL indique que « les éoliennes comme d'autres infrastructures (lignes à haute tension par exemple) peuvent également constituer des contraintes pour les moyens aériens de lutte contre les incendies de forêt, avec des zones d'exclusion autour des mâts de l’ordre de 600 mètres. Cette contrainte est étudiée par les développeurs et doit faire l’objet de mesures spécifiques en lien avec les services de prévention et de lutte contre les incendies. »
« Nous nous opposerons à ces projets »
Pour le président de la DFCI Gironde et maire de Biganos, Bruno Lafon, l’hypothèse de voir sortir de terre des géants de l’air n’est pas prise à la légère, surtout au regard des incendies de La Teste et Landiras : « L’intensité des feux de cet été a mis en exergue le manque de moyens aériens au-dessus de la forêt des Landes de Gascogne. Installer des éoliennes dans nos forêts est le meilleur moyen de faire abstraction de la lutte aérienne. » Bruno Lafon promet en effet que la DFCI Gironde s’opposera à ce type de projet : « Les éoliennes remettent en cause le survol du massif. Notre mot d’ordre est la défense de forêt, pas celle du photovoltaïque ou de l’éolienne » ajoute sèchement l’élu.
Sur ce point, la DREAL précise dans l’un de ses documents que « l'intensité exceptionnelle des feux de forêt de cet été n'avait pas été prise en compte jusqu'à présent et justifie un approfondissement. » Ce thème important sera abordé avec les élus au cours de la consultation en cours. « In fine, la cartographie des zones propices au développement d’éolien terrestre pourrait par exemple prendre en compte les Plans de Prévention des Risques Naturels Feux de forêts » propose par exemple le service de l’État. D’ici là, d’autres cartographies pourraient être présentées aux élus. Mais à la question de savoir s’il y aura, d’ici dix ans, des éoliennes sur le territoire du Val de l’Eyre, Cyrille Declercq préfère tempérer : « On ne peut pas répondre à cette question. »