Par Corentin Barsacq
Façonné par le pinceau de l’artiste hostensois Lucien Arlaud, le livre « Mes Landes de Gascogne » prend la forme d’un cri d’amour à l’égard d’un territoire que l’auteur connaît sur le bout du pinceau. Et l’œuvre débouche forcément vers un équilibre appréciable entre l’art et la connaissance.
La critique de livre n’est pas un exercice facile. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle est relativement rare sur Le Belinétois. Elle est en revanche beaucoup plus simple lorsque l’ouvrage qui défile sous nos yeux est d’une grande qualité. C’est le cas de « Mes Landes de Gascogne », le livre de Lucien Arlaud, dessinateur régional déjà bien connu dans les librairies du coin. Natif de Saint-Hélène, l’expatrié médocain aujourd’hui installé à Hostens produit des aquarelles et des illustrations inspirées par les paysages des Landes de Gascogne avec talent.
C’est en 2020 que l’auteur a eu l’idée d’élaborer cette œuvre personnelle avec une certaine modestie : « Ce n’est pas l’œuvre d’un spécialiste de son histoire ou de son patrimoine, et le lecteur y trouvera trop de lacunes ou d’imprécisions pour qu’il constitue un guide touristique ou un inventaire naturaliste » peut-on lire sur la quatrième de couverture. Pourtant, il n’y a pas bien qu’ici que Lucien Arlaud sera réducteur.
Quelques mois après sa sortie, « Mes Landes de Gascogne » parvient dans un paquet cadeau à la rédaction du Belinétois. Cette même rédaction qui avait lu avec intérêt l’avis de Gasconha.com sur les quelque 300 dessins et aquarelles de l’auteur, mais aussi concernant la verve qui accompagne cette balade en forêt. Sur l’art tout d’abord, les œuvres de Lucien Arlaud constituent un véritable témoignage aussi bien de la lande d’antan que de celle que l’on connaît aujourd’hui. Le coup de pinceau épate autant que les traits de crayon. Un doux mélange au style singulier prend forme au fil des pages et a le mérite de pouvoir plaire aussi bien à un jeune lecteur qu’à son aîné.
Les capacités en jugement artistique de notre rédaction s’arrêtent malheureusement ici. Nous ce qu’on aime, c’est surtout l’écrit. Et nous le disions d’emblée. On apprécie l’équilibre entre l’art et la connaissance. Lucien Arlaud ne se contente pas de reprendre bêtement l’histoire généralisée du triangle des Landes de Gascogne et de sa mise en culture par l’arrivée du pin au travers d’une vision édulcorée. L’auteur rentre dans le tas et réhabilite les paysans landais oubliés de l’histoire face à Napoléon III et la loi du 19 juin 1857.
Un livre d’ici avec ses idées
Tout comme l’a fait Jacques Sargos dans « Histoire de la forêt Landaise, du désert à l’âge d’or », Lucien Arlaud met en exergue la capacité d’adaptation des paysans de l’époque, dont l’idée d’assainir les Landes par le biais du pin avait fait son cheminement depuis des lustres, bien avant l’arrivée des intellectuels de tous horizons. « La réalité, c’est que la loi de 1857 bouleversa la vie des paysans en les spoliant de leurs communaux. C’est sur ces terrains que fut plantée la forêt de pins maritimes » assène le dessinateur.
Alors forcément, si le lecteur s’attendait à des dessins muets et un contenu plutôt lisse, Lucien Arlaud défend ses opinions à la manière d’un Gascon. D’une manière plus générale, le livre préserve cet engagement non pas réac’ mais bien passionnel pour un territoire qui a connu de nombreuses mutations. L’agropastoralisme puis la gemme, l’arrivée des chemins de fer ou bien prochainement le projet de la LGV auquel l’auteur ne manque pas d’adresser un tacle bien appuyé sont autant de chapitres qui découlent sur un livre d’une grande richesse.
Une part belle à toutes les terres
Mais Lucien Arlaud n’oublie pas non plus la légèreté. Et là encore, on en salue l’équilibre. Le patrimoine ancestral des Landes de Gascogne est inspecté à la loupe et détaillé, quand le patrimoine religieux est reproduit avec brio. Chauvinisme oblige, on ne boude pas notre plaisir de voir une page entière consacrée à Belin-Béliet, Hostens, Lugos, la Leyre etc. Instructif, le livre l’est aussi. Le Val de l’Eyre ne compte plus aucun cercle alors l’auteur nous emmène dans ses souvenirs ou sur les terres qui ont su préserver ces lieux de vie essentiels dans les villages.
Enfin, le texte ne manque pas d’humour typique du pays, au travers de certains jeux de mots bien sentis (« Planter des résineux sur des milliers d’hectares, c’était futaie » ou encore « La dune s’affaisse » au moment de représenter des nudistes à Montalivet »).
Dans cet alliage entre l’art et le récit d’un territoire au sol pauvre mais à l’histoire bien plus riche, Lucien Arlaud emmène le lecteur du Médoc jusqu’au bassin d’Arcachon, en passant par le Sud-Gironde et les Landes, avec une forme de finesse que l’on apprécie, sans doute parce que ses Landes de Gascogne sont aussi les nôtres.