Par Corentin Barsacq
Il y a quelques siècles de cela, et même quelques décennies, des paysans du Val de l’Eyre entretenaient la vigne dans le but de produire un vin bien souvent destiné au cercle familial. Certaines cultures ont persisté jusqu’au début des années 80. Plongée au cœur des petits crus de l’Eyre.
« Lavignolle », « Le Vigneau », le Vignec », les Vignes » ou encore « La Vignotte » sont des noms attribués à des lieux-dits et quartiers dans les communes du Val de l’Eyre qui témoignent des faits relatés ci-dessous. Car oui, il y a quelques temps de ça (quelques siècles), vous auriez pu déguster un vin du Val de l'Eyre pour le réveillon de la Saint-Sylvestre. Durant longtemps, des propriétaires et paysans du territoire ont entretenu la vigne afin de produire un vin bien souvent destiné au cercle familial ou encore pour diversifier les sources de revenus. Les anciens appelaient ça "la piquette" ou encore le vin de barrot.
Remontons le cours de l’histoire, à l’aube de la Révolution. Déjà, à cette époque-là, le seigneur de Salles Nicolas Pichard atteste de la présence de raisins dans sa seigneurie. Disséminées à plusieurs endroits du bassin d’Arcachon, des parcelles de vignes font en effet le bonheur de certaines familles. Mais le seigneur de Salles estime à l’époque que ses propriétés ne lui rapportent que 5 000 livres, bien loin derrière les 33 000 livres de son domaine, un certain Château-Lafite.
Le vignoble des Landes de la Gironde
Si la culture de la vigne a aujourd’hui disparu dans le Val de l’Eyre, elle constituait pourtant le vignoble des Landes de la Gironde. On comptait par exemple six plantations entre Belin et Béliet, notamment dans l’actuel Parc Lapios ainsi que dans les quartiers de Saint-Vital, l'Hospitalet et au Graoux au XIXe siècle. Selon le professeur Frédéric Vassilière, venu sur les bords de l’Eyre en 1891, la production annuelle ne dépassait pas les dix tonneaux en moyenne. Ce dernier avait consacré une longue analyse à la vigne dans son ouvrage « Les Landes girondines, une note sur l’alios », observant notamment que cette culture était présente en abondance sur la commune de Mios, « la commune la plus viticole du canton d’Audenge ».
À Belin, c’est la propriété de M. Dutauzin, dans le bourg de Belin qui était considérée comme le plus grand vignoble de la commune puisque Frédéric Vassilière comptait quelque 14 hectares de vignes permettant de produire jusqu’à 300 hectolitres. D'autres vignobles étaient situés au Hillan, au Courchon et donc à Saint-Vital, sous l'impulsion de M. Lapios, qui avait créé un petit vignoble expérimental de trois hectares en lieu et place de l'actuel parc Lapios.
Dans la vallée de l’Eyre, la commune de Salles n’est pas non plus en reste. Lorsque le professeur départemental d’agriculture se rend dans les communes des landes girondines, la culture de la vigne a considérablement diminué. Un phénomène qui pourrait s’expliquer par le boisement des communaux (loi relative à l'assainissement et à la mise en culture des Landes de Gascogne) qui aurait entraîné des gelées plus fréquentes. Qu’à cela ne tienne, le canton compte à cette époque 100 à 150 hectares de vignes.
Des vignes jusque dans les années 80
À Salles, on y cultive tous les cépages rouge et blanc. Des décennies auparavant, la commune comptait des crus à Pujeau et au Bougès et dont la barrique se vendait à 100 francs. Parmi les propriétaires de vignes, citons la famille Cazauvieilh au Bougès, qui use de cépages tels que le Cabernet, le Malbeck et le Castets dans le but de reconstituer une ancienne vigne d’Enrageat rouge et blanc, mais aussi M.Sallebert à Badet qui compte 1500 pieds, M. Villetorte à Perrin, Bertruc à Pelloc, Dumora à Perrot, Bassibey dans le Bourg, Mano à Castera ou encore M. Dufaure au Moulin-à-vent, dont la culture s’étendait sur une superficie de 17 hectares.
Terrassé par l’oïdium, un champignon qui s’attaque à tous les organes verts de la vigne, conjugué à des gelées fréquentes, le vignoble du coin n’aura pas eu une réputation à en faire pâlir les grandes appellations de l’époque. Mais certaines familles auront préservé leurs vignes jusqu’au début des années 80, notamment dans la cité salloise.
Nancy Touyarot s'en souvient et a précieusement gardé quelques clichés anciens, lors de la récolte du raisin aux côtés de ses parents, rue de la Croix-Blanche. Les dernières vendanges ont eu lieu en 1999.