Par Louna Lavergne
Au XIXème siècle, le poète et inventeur, Jean Lacou, met sur papier le projet d’un chemin de fer d’intérêt local allant de Bordeaux jusqu'à la commune du Barp. Dans un ouvrage publié en 1880, il détaille la projection de la ligne avec, notamment, un prolongement possible vers Belin, Béliet, Le Muret et Salles.
Si les anciennes gares de Joué, Salles et Lugos ne sont un secret pour personne, l’idée d’une gare à Le Barp paraît quelque peu saugrenue. Pourtant, elle fut concrète dans un esprit du XIXème siècle, celui de Jean Lacou. Ce poète et inventeur s’est mis à imaginer le projet d’une ligne de chemin de fer sur la route nationale 132, route qui, à l’époque, relie la ville de Bordeaux à celle de Bayonne. Avec un trajet passant par Talence, Gradignan, Canejan, Cestas, Saucats et Le Barp, plus d’un habitant du Val de l’Eyre aurait pu aujourd’hui partir embaucher en train si cette ligne avait vu le jour.
La route nationale 132, prête à accueillir des rails
Dans son ouvrage paru en 1880, Jean Lacou se pose en demandeur en concession et constate la trajectoire rectiligne de la route reliant Bordeaux à Bayonne. Au vu de la largeur de celle qui est alors appelée nationale 132, l’idée émerge alors d’installer, entre les deux voies, des rails. “La voie ferrée établie ainsi au milieu de la chaussée, il restera encore, de chaque côté de la route, un espace plus que suffisant pour la libre circulation des véhicules de toutes sortes” explique l’inventeur, vantant la largeur de 12 à 14 mètres de la chaussée permettant l’implantation d’une ligne de train.
Si l’installation ne pose donc pas de problème selon l’écrivain, reste à déterminer les gares desservies. Au départ des boulevards de Talence avec une prolongation possible jusqu’à la Garonne, le train passerait ensuite par Gradignan, avec un embranchement sur Léognan aux quartiers de La Tuilerie et Bel-Air, puis poursuivrait son trajet à Canéjan, Cestas et Le Barp, canton de Belin à l’époque, où là aussi, une prolongation pourrait se faire pour rejoindre Belin, Le Muret ou encore Salles.
Un cahier des charges précis et détaillé
Outre les nombreux détails techniques rythmant ce projet tels l’épaisseur des rails ou encore leur matière de fabrication, Jean Lacou expose un cahier des charges minutieux. Parmi les détails, une vitesse limitée à 24 kilomètres à l’heure pour les trains de voyageurs et à 20 kilomètres à l’heure pour les trains mixtes, à savoir ceux transportant également des marchandises. Par sa vitesse et sa localisation sur la route, le projet pourrait s’apparenter à nos tramways actuels.
Autre chiffre intéressant, le tarif. Pour un trajet moyen en première classe, un voyageur devra débourser 0,10 francs ou 0,08 francs pour la seconde classe. Pour le bétail, le trajet coûte entre 0,02 et 0,10 francs et, pour les marchandises, entre 0,08 et 0,50 francs.
Pour établir son projet, l’auteur a étudié le sujet avec des données montrant l’importance de l’installation d’une telle ligne et surtout ce qu’elle pourrait rapporter. Il compte notamment des milliers de potentiels voyageurs qui, chaque année, passent par le Val de l'Eyre afin de se rendre vers la grande ville girondine.
En se basant sur l'hypothèse d'un aller-retour à 3 francs, le chiffre annuel global de recette peut être estimé à 104 750 francs, un chiffre selon lui dépassé la première année de mise en service grâce à l’esprit de nouveauté et de curiosité des habitants pour aller découvrir ce qui se cache de l’autre côté de la ligne.
Mais la ligne ne verra finalement pas le jour, souffrant d’un pavage bien trop onéreux pour qu’une Compagnie accepte de se joindre au projet, le fonds social étant fixé à un million cinq cent mille francs.