Par Corentin Barsacq
Le récit de ce qu’a vécu Marina Monvoi-Robin dépasse l’entendement. Presque neuf ans après avoir perdu la trace de son chien Gringo, la Salloise a pu retrouver « son bébé » dans un refuge en Lot-et-Garonne. Une belle histoire qui a pourtant démarré par une amende lui réclamant le paiement de frais de fourrière…
« Gringo, c’était mon premier chien, mon bébé. » Au moment où l’on évoque la relation entre elle et son Cane Corso, Marina Monvoi-Robin, aujourd’hui à la tête de sa petite tribu, redevient la jeune fille de 20 ans qu’elle était lorsque son premier « bébé » est arrivé dans sa vie. Il n’était pas bien grand, ce petit chien au regard perçant et attendrissant. Ce regard que Marina ne pensait plus jamais revoir et qui, le vendredi 6 janvier, a de nouveau croisé le sien.
Bien avant cela, en novembre 2011 et alors qu’elle vit encore chez ses parents du côté d’Andernos, Marina adopte celui qui deviendra son meilleur ami. « Il avait deux mois. Gringo me suivait partout. J’allais travailler avec lui et il y avait quelque chose de fusionnel. Il a vu les premiers pas de mes enfants, il m’a aidé durant ma grossesse, c’était mon bébé » répète une nouvelle fois celle qui est aujourd’hui une tatoueuse partageant sa vie professionnelle entre Pissos et Biganos.
Seulement, les aléas de la vie viendront noircir ce tableau idyllique. Proche de sa maîtresse, Gringo l’est aussi lorsque cette dernière affronte une séparation douloureuse. Le petit chien bien inoffensif laisse place à une agressivité difficile à canaliser notamment à la vue des hommes. Gringo a vu des choses qu’il n’aurait pas dû voir et plusieurs comportementalistes canins dressent un constat difficile à encaisser : « On m’a dit que je devais me séparer de lui. À l’époque, je ne savais pas si c’était une bonne décision pour lui ou pas, mais on m’a finalement forcé la main ».
« Tu ne vas pas le croire, mais t’as une amende à payer à la fourrière »
Une annonce est déposée sur des sites d’adoptions. Marina n’a même pas le temps d’encaisser le coup que Gringo est en partance pour une nouvelle famille, en fin d’année 2013. Une déchirure que la jeune femme n’aura jamais véritablement résorbée. « Je m’en voulais énormément. Je n’ai jamais voulu me séparer de lui. On m’a forcé » regrette-t-elle encore aujourd’hui.
Les mois passent, Marina refait sa vie et la partage désormais avec un homme lui offrant la stabilité qu’elle mérite. « Il a entendu parler de Gringo pendant six ans » sourit la mère de famille installée aujourd’hui à Salles. Car au fond d’elle, la tatoueuse n’a jamais fait le deuil de son premier animal de compagnie : « Je voulais savoir ce qui lui était arrivé. S’il était encore en vie, s’il était heureux. Je l’ai tout le temps cherché ».
La suite du récit connaît un bond considérable dans le temps, à la date du vendredi 6 janvier 2022. Ce jour-là, la tatoueuse annonce sur ses réseaux sociaux qu’elle sera indisponible durant toute la journée. Les amateurs de motifs permanents devront donc patienter car une histoire écrite à l’encre indélébile est sur le point de reprendre son cours : « Tous les amoureux des animaux comprendront mon absence » promet la professionnelle.
Trois jours plus tôt, son père l’informe qu’un courrier en date du 4 novembre et en provenance du chenil départemental de Caubeyres, dans le Lot-et-Garonne, exhorte la jeune femme à régler des frais de fourrière : « Le courrier avait été envoyé à l’ancienne adresse de mon père qu’il a pu récupérer par le biais du nouveau propriétaire. Il m’a appelé et il m’a dit : « Assis toi, tu ne vas pas me croire mais t’as une amende à payer à la fourrière. »
« Quand je l’ai appelé Gringo, il a tout de suite réagi »
Immédiatement, son sang ne fait qu’un tour. Le numéro de puce de Gringo, rebaptisé Gepetto, figure sur le courrier. Elle le connaît par cœur et n’a pas besoin de vérifier. Marina n’en croit pas ses yeux. Elle contacte désespérément le chenil mais le téléphone reste muet. La date d’envoi du courrier laisse craindre le pire à la Salloise qui remue alors ciel et terre. Finalement, elle se tourne vers le refuge AMDA de Caubeyre, la SPA du 47 : « Ils m’ont dit que si Gringo était encore en vie, alors il serait au refuge de Brax ».
Bingo. La direction l’informe que Gringo est en effet hébergé entre les murs du refuge après avoir été recueilli comme chien errant. Le lendemain, aux côtés de son père et de son mari, Marina se rend dans le département voisin pour retrouver son chien. « Au départ, il est venu vers moi et il m’a juste senti. Mais quand je l’ai appelé Gringo, il s’est mis à sautiller dans tous les sens. Il a compris ».
L’intense joie laisse alors place à l’émotion. Sur le trajet du retour, Marina s’endort et Gringo se colle à elle. L’alchimie semble intacte et se manifestera pleinement lorsque Gringo retrouvera la maison du père de Marina, là où tout a commencé : « Il a tout de suite retrouvé ses repères. Il est redevenu Gringo. C’est quelque chose d’impressionnant à vivre ».
Sans tarder, Marina a emmené son fidèle acolyte au vétérinaire : « Les examens révèlent qu’il a perdu beaucoup de poids et qu’il n’a plus de musculature arrière ». Les retombées de sept années brouillardeuses que comptent éclaircir sa propriétaire. À la suite de la parution d’un article relatant sa folle aventure dans l’édition Sud Ouest Lot-et-Garonne, Marina a pu obtenir des renseignements : « Gringo aurait été accueilli par une dame qui habitait dans le Lot-et-Garonne mais qui était souvent en déplacement. C’est donc des voisins qui allaient le nourrir en son absence » explique-t-elle. Gringo se serait alors échappé lors d’une venue des voisins avant de disparaître dans la nature.
Gringo va découvrir son nouveau petit frère
Seul hic dans l’histoire, l’incompréhension autour de l’identification de Gringo : « Des vétérinaires ont soigné Gringo alors même qu’aucun papier n’était à jour ». Qu’à cela ne tienne, Marina compte faire appel à un comportementaliste canin afin de savoir si son Cane Corso porte des séquelles diverses. En plus de retrouver le cœur de sa propriétaire, Gringo a également gagné un frère puisque Marina est propriétaire d’un petit Bulldog depuis quelques années : « Pour le moment, on n’a pas encore tenté la cohabitation. On y va doucement mais Gringo, qui est devenu un vieux bébé, dort avec nous. »
En guise de remerciements, l’habitante du Val de l’Eyre a adressé un don au refuge de Brax et elle le promet : « Je vais payer mon amende ». Une amende qui, finalement, est sans doute la plus agréable à payer.