Par Corentin Barsacq
Alors même que se profilent les vœux de la communauté de communes organisés ce jeudi 19 janvier à Lugos, les différents discours prononcés auront une saveur particulière. En 2023, la CDC du Val de l’Eyre fête en effet son vingtième anniversaire. Retour sur ce qui était présenté comme un « mariage de raison » dépassant « l’égoïsme des élus locaux. »
« Un mariage de raison. » C’est en ces termes que le premier président de la communauté de communes du Val de l’Eyre, Vincent Nuchy, à l’époque maire de Salles, avait présenté le regroupement des communes de Belin-Béliet, Salles, Le Barp, Lugos et Saint-Magne en une grande entité à l’époque en vogue, l’intercommunalité. Cette structure dont le poids ne cesse de grossir au fil des années a officiellement vu le jour en toute fin d’année 2002, par un arrêté préfectoral publié le 11 décembre de cette même année permettant à ses cinq communes de se mettre en ordre de marche dès le début de l’année 2003. L’aboutissement de longues discussions entre élus et conseils municipaux pour ce qui aura été, pendant des années, un marronnier sans cesse repoussé.
Aujourd’hui, la communauté de communes du Val de l’Eyre exerce différentes compétences telles que le développement économique, l’aménagement de l’espace communautaire, la protection et mise en valeur de l’environnement ou encore la politique liée à l’habitat dans laquelle s’inscrit pleinement le PLUi-H en cours d’élaboration. Autre mission de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), les équipements scolaires, sportifs et culturels, ou encore le transport scolaire.
Les prémisses d’une inéluctable alliance
Actuel président de l’intercommunalité, le maire de Salles Bruno Bureau endosse le costume du dernier mohican. « La boucle est bouclée puisque je suis désormais le seul élu de la CDC à y avoir siégé depuis sa création. » Alors forcément, l’élu a pu suivre de près l’évolution du conseil et de son climat : « Je peux vous dire que je suis très satisfait de la bonne entente entre les cinq maires du Val de l’Eyre. Cela n’a pas toujours été le cas lors des précédentes mandatures. Aujourd’hui, nous pouvons discuter dans un climat apaisé, y compris lorsque nous avons des points qui divergent ».
Ce jeudi 19 janvier, lors des vœux de la CDC qui se tiendront à la salle des fêtes de Lugos à 18h30, d’anciens élus seront conviés pour l’occasion afin de se souvenir d’un temps révolu, celui où il aura fallu adopter une vision plus large et outrepasser ce que l’ancien maire de Belin-Béliet Alain Péronnau désignait comme « l’égoïsme local ».
Il faut dire que ce dernier aura très tôt été un partisan de l’union du Val de l’Eyre, et ce face à l’urgence de peser davantage dans les discussions économiques à l’échelle du département. À l’aube de l’an 2000, la commune du Barp s’apprête à accueillir le Laser Mégajoule. Très vite, les élus locaux redoutent un bug, celui des retombées démographiques difficile à maîtriser, pendant qu’une zone d’activités s’apprête à se développer entre Belin-Béliet et Salles. Et c’est justement entre ces deux communes que la genèse du Val de l’Eyre prend en partie sa source. À cette époque, le Val de l’Eyre forme déjà un canton de cinq communes dont le conseiller général n’est autre qu’Alain Péronnau, maire de Belin-Béliet, fauteuil qu’il occupera jusqu’en 2008.
« Franchir les égoïsmes d’élus »
Illustre personnalité politique belinétoise, le maire unificateur de Belin et Béliet voit son village évoluer tout comme la zone industrielle formée aux côtés de la commune de Salles à partir de 1971. Le syndicat du SIADEVE est alors créé en 1990 afin d’assurer le développement économique de la zone en partenariat avec la municipalité salloise. Dans ce même temps, le canton compte divers syndicats comme le SIVOM qui regroupe 13 communes et qui permet de regrouper différents achats, ou encore le Syndicat intercommunal pour la collecte mécanisée et sélective et le transport des ordures ménagères. Bref. De nombreux sigles parfois bien difficiles à distinguer et qui auront eu le mérite de constituer les premières pierres de la communauté de communes.
En 1997, déjà, Alain Péronnau fait de cette union son cheval de bataille pour la campagne des cantonales. C’est lui qui endosse le rôle d’unificateur, arguant le nécessaire regroupement des communes proches du futur Laser Mégajoule. Un temps évoqué, la possible intégration des communes de Mios et Marcheprime sera par la suite écartée. « Nous devons nous unir, nous tendre la main et franchir les égoïsmes d’élus et des populations, seule façon de nous tirer vers le haut » clame l’édile lors des vœux présentés à la population en janvier 1997.
L’idée d’une alliance à cinq communes s’ébruite mais voilà que le bassin d’Arcachon fait les yeux doux à ses voisins de l’Eyre. Le district du Sud-Bassin imagine déjà une grande intercommunalité. En février 1999, Alain Peronnau tempère dans les colonnes de Sud Ouest : « Pour les cinq communes du canton, il est plus facile d’aller à Gradignan qu’à La Teste. Je ne vois donc pas l’intérêt que nous aurions à nous rapprocher du Bassin ». Car ce que prône l’édile n’est autre qu’une union raisonnée, pourquoi pas établie le long de la Leyre : « Mais il faudrait alors passer la frontière entre Gironde et Landes, ce qui pose des problèmes administratifs. » Les instigateurs de la CDC iront même jusqu’à rêver d’une adhésion de Cestas, qui aurait pu incarner la locomotive du territoire : « Mais cela n’intéresse pas leur maire » regrettera l’élu belinétois.
De fil en aiguille, le visage de ce mariage se précise. Lugos, Saint-Magne, Salles, Le Barp et Belin-Béliet se disent oui. L’union est entérinée en décembre 2002 et le premier président élu par ses homologues est Vincent Nuchy, maire de Salles. Du côté des services, on procède au recrutement d’une directrice générale des services, Evelyne Durif : « Vingt ans après, elle est toujours là » souligne fièrement Bruno Bureau.
Dès le premier budget intercommunal voté en 2003, les premiers projets se dessinent : création d’une cantine scolaire à Saint-Magne, d’une école maternelle à Salles quand celles de Lugos et Saint-Magne suivront l’année d’après. Belin-Béliet n’est pas en reste avec les esquisses d’un nouveau groupe scolaire planifié sur plusieurs années. C’est d’ailleurs dans cette compétence que le Val de l’Eyre aura certainement justifié la raison de son existence : « Ce sont les projets les plus marquants » pense son actuel président.
À nouveau ce rêve d’une grande intercommunalité
Alors majoritaire dans le Val de l’Eyre, la gauche perd finalement du terrain lors des élections municipales de 2008. Vincent Nuchy se retrouve alors en minorité et cède sa place au maire UMP de Saint-Magne Philippe Lacoste. L’équation semble alors parfaite pour déterrer une vieille idée, la grande intercommunalité du bassin d’Arcachon – Val de l’Eyre. Yves Foulon (UMP) préside la Cobas, quand Bruno Lafon (Sans étiquette) prend les rênes de la Coban. Les deux homologues du bassin et Philippe Lacoste annoncent en grande pompe, un soir de juillet 2008, l’intention de regrouper les trois intercommunalités en une seule entité… qui ne verra finalement pas le jour. On soupçonnera quelques craintes de la part des élus du Val de l’Eyre d’être mis de côté dans cette fusion.
Durant son mandat et aux côtés du conseil communautaire, l’ancien militaire Philippe Lacoste aura vu s’implanter pas moins de 300 entreprises supplémentaires dans le Val de l’Eyre et le lancement d’un vaste programme dédié à la rénovation des écoles réparties dans les cinq communes du territoire. En outre, notons que l’espace de co-working « Espace 21 » avait été initié sous sa mandature.
De 2014 à 2020, c’est la maire de Belin-Béliet Marie-Christine Lemonnier, adoubée par son prédécesseur saint-magnais, qui tient le premier siège du Val de l’Eyre. Des projets fleurissent comme l'installation de la recyclerie Rep'Eyre à la zone Sylva 21, la reprise des compétences eau et assainissement, l'aide à l'installation des entreprises, la création du pôle digital de la CDC ou encore l'aménagement d'un nouvel espace de co-working à Belin-Béliet.
Notons aussi qu'un important investissement avait été réalisée à l'époque pour le déploiement du haut-débit sur le territoire. Cette période verra également le lancement du PLUi-H et la création du service intercommunal d'urbanisme. Portée par une association de parents d’élèves, l’idée d’un collège et lycée dans le Val de l’Eyre parvient à la table du conseil communautaire. C’est la maire du Barp Christiane Dornon qui hérite de ce joli investissement avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine. Cette même élue qui, d’une manière non officielle, assurera l’intérim de la présidence lorsque la santé de Marie-Christine Lemonnier la tiendra écartée de ses fonctions jusqu’à la fin de sa mandature.
Enfin, les élections municipales de 2020 auront amené un vent de changement dans le bureau communautaire. Seule la maire de Lugos Emmanuelle Tostain aura survécu à la dure loi des urnes en étant plébiscité une seconde fois par les administrés lugosiens. Les maires Cyrille Declercq, Ghislaine Charles et Blandine Sarrazin se partageront la vice-présidence aux cotés des élus locaux Jacques Moretto (Le Barp), Nadège Dosba (Salles) et Maryse Chopo (Belin-Béliet).
Elu président par ses homologues, le maire de Salles Bruno Bureau connaît quant à lui un mandat décisif pour l'avenir du territoire. L'implantation d'une plateforme logistique au sein de la zone Sylva 21, la construction prochaine de deux multiples ruraux dans les communes de Saint-Magne et Lugos ou encore les gros investissements en matière d'assainissement sont autant de sujets qui marqueront les futures années de l'intercommunalité.