Par Corentin Barsacq
Avec la disparition de Jacques Labarbe en juin 2021, les souvenirs de nombreuses générations de belinétois ressurgissent, avec en mémoire, l’imposant bâtiment de la fonderie Destang qui aura longtemps siégé en bordure de l’ancienne Nationale 10. Dix ans après sa démolition, il est encore possible d’admirer des réalisations en Gironde produites dans la fonderie belinétoise.
Si les murs de la fonderie ont été détruits en 2013, les éditions du Chari-vari, éditées par l’association du Courant Alternatif, permettent de retracer l’histoire d’un lieu majeur de l’industrie du Val de l’Eyre. On apprend ainsi qu’un précédent bâtiment avait été construit en 1917 par le génie de l’armée américaine, ayant ses bases à l’époque à Gujan-Mestras. Destinée au stockage de matériaux ferroviaires jusque dans les années 20, l’enceinte fut rachetée en 1927 par Julien Destang, jeune fondeur du village.
À l’époque, la fonderie Destang, qui existait depuis les années 1880, entreprend un déménagement de quelques mètres pour insuffler une énergie nouvelle à cette industrie, touchée par le décès de Paul Destang, frère de Julien. Au fil des années, la lignée des Labarbe prendra la succession de l’entreprise, par le décès de Julien, et dont l’épouse Marguerite Labarbe confiera l’avenir de la structure à Élie Labarbe, son neveu. À ces temps-là, des pièces de fonte pour l’industrie portuaire et les abattoirs de Bordeaux sont directement acheminées depuis Belin-Béliet. Plus tard, la fonderie produira également des plaques en fonte pour les cheminées.
Lorsque les Allemands arrivent dans le Val de l’Eyre, toutes les fonderies sont contraintes de travailler pour l’occupant sous la menace. Vivier de la résistance locale tout comme les Usines Cazenave, la fonderie abritera la lutte clandestine et devra fermer quelques mois en raison des combats. Par la suite, Pierre et Jacques, les fils d’Élie, emploieront jusqu’à 45 ouvriers avant que Richard, le fils de Jacques ne prenne la succession. « Tous les quatre jours, une coulée de fonte s’effectuait. De deux à quatre tonnes de fonte de fer à graphite lamellaire étaient coulées dans les sables préparés trois jours auparavant » peut-on ainsi lire sur un site Internet relatant le fonctionnement de l’entreprise. En 2005, la fonderie cesse d’exister. Il faudra attendre 2013 et une préemption municipale pour que le bâtiment soit définitivement rayé de la carte.
Un savoir-faire encore visible en Gironde … et ailleurs
Et si la fonderie a emmené dans sa destruction le souvenir visuel de ce savoir-faire d’antan, certaines réalisations sorties du cubilot de Beliet sont encore visibles en Gironde. Une liste non-exhaustive comprend notamment des bites d’amarrages sur les quais à Bordeaux, l’une à quelques pas du pont Jacques Chaban-Delmas, l’autre du côté du pont de Pierre.
Moins connues cette fois-ci, les poutres métalliques de la salle des halles à Saint-Savin, en Haute-Gironde, sont estampillées au nom de la fonderie de Béliet. Les exemples peuvent être nombreux et nul doute que les lecteurs du Belinétois sauront apporter leur pierre à l’édifice. Lorsque nous avions photographié l’une des réalisations de la fonderie sur les quaies bordelais, un lecteur assurait que des plaques d’égout au nom de Destang étaient visibles… dans la principauté de Monaco.