Par Corentin Barsacq
Sous l’impulsion d’une vingtaine d’associations, la fête d’Aliénor s’est tenue ce dimanche 25 juin à l’airial de Mons à Belin-Béliet. Avec plus d’un millier de participants sur la journée, l’événement a connu un succès notable bien au-delà du Val de l’Eyre. Récit d’une fête où Belin-Béliet a fièrement revendiqué la paternité de la naissance de sa reine.
Immobile, figée dans le temps, l’église Saint-Pierre de Mons a vu défiler les époques depuis le début de sa construction au XIe siècle. Sans doute a-t-elle vu défiler en son intérieur la jeune Aliénor d’Aquitaine ? Pour sûr, la reine est revenue ce dimanche, par la force d’une vingtaine d’associations aux raisons d’être pourtant bien différentes, mais unies par un projet commun : celui d’honorer le 900e anniversaire de la naissance de la reine Aliénor, dans le château de Belin selon la légende.
Ce jour-là, qu’importe les controverses d’historiens évoquant Poitiers ou encore Bordeaux comme ville originelle de celle qui sera reine à deux reprises. L’effervescence est contagieuse, la fierté l’est aussi lorsqu’à 15h, et sous un soleil de plomb, Joël Vergnaud du Rampeau Sportif Monsois annonçait la présence d’au moins un millier de personnes sur l’airial de Mons. Une surprise ? Plutôt une juste récompense du travail acharné fourni par une centaine de bénévoles, de ces femmes et hommes de l’ombre qui, animés par le simple souhait de rendre à Belin ce qui est à Belin, ont dessiné les esquisses d’une fête qui fera date.
Et la Reine revint à Belin
Dès 8h30, une bonne centaine de fidèles du Rampeau Sportif Monsois avait répondu à l’appel du déjeuner aux tripes sur un airial basculant dans la fête avec certitude. Simultanément, sur le parvis de la mairie de Belin-Béliet, les premiers marcheurs se réunissaient autour d’un café avant la déambulation dans les rues de la commune. La reine arrivera peu avant 10 heures, haute de plus de trois mètres, surplombant sa cité natale à qui elle doit finalement sa présence. En amont de la fête, la recyclerie Rep’Eyre avait en effet réalisé cette gigantesque œuvre créée à partir de produits de récupération.
Pendant plus d’une heure, au moins trois cents personnes, pour la plupart costumées, ont sillonné d’abord le chemin de Brandemale avant de rallier la butte d’Aliénor. Là-bas, la troupe arcachonnaise de Christiane Mouls attendait les pèlerins pour une pièce de théâtre surprise retraçant les grandes lignes de l’histoire d’Aliénor, tout cela sublimé par une chorale. L’osmose semble être à son apogée, l’esprit de communion se prolonge jusqu’à l’arrivée sur l’airial déjà bien garnie avant midi.
Ils sillonnent la France depuis plus de vingt ans maintenant. Mais alors, pourquoi la troupe Gric de Prat tenait à être présente à la fête d’Aliénor ? « Si je vous disais que j’ai une fille qui s’appelle Aliénor, vous comprendrez peut-être pourquoi c’est important pour moi d’être là » s’amuse Éric Roulet, conteur et compositeur de la troupe. Fondée en 1994, Gric de Prat est un groupe de musique occitane, digne représentant de la culture gasconne.
Forcément, il n’y a qu’un pas entre la Reine et le groupe : « On souhaitait fêter celle qui est l’idole de l’Aquitaine » explique Éric Roulet. Ainsi, tout au long de la journée ou presque, les musiciens n’ont pas ménagé leur souffle pour créer des symphonies à l’aide d’instruments du cru comme le fifre ou la cornemuse gasconne. Fer de lance de la déambulation dans les rues, ils ont ainsi insufflé une énergie communicative sans même effrayer les chevaux présents lors de la marche.
Adepte de la musique de création, qu’elle soit classique, occitane ou gasconne, Gric de Prat tient à rendre hommage à ceux que la culture a oublié : « On souhaite reprendre les œuvres des compositeurs d’ici qui ont été oubliés car ils n’ont pas eu la chance d’aller à Paris » revendique fièrement le groupe.
En ce lieu qui se suffit déjà à lui-même, des activités ludiques et inspirées du Moyen-Âge font le bonheur des petits et grands. Les associations du Courant Alternatif, des Amis du Musée Lapios et de Mémoire Culture et Développement de Saugnac-et-Muret ont fait travailler leurs méninges pour s’ériger en gardien de la mémoire. « En compagnie de plusieurs associations et auteurs, nous avons réalisé un livre sur le château de Belin et ce qu’il en reste aujourd’hui » explique Xavier Demester, le président de l’association landaise. Du côté de l’association belinétoise du Courant Alternatif, le ton est donné : « Nous avons imaginé la presse au temps d’Aliénor » poursuit Gilles Rosière, annonçant la sortie royale d’un Chari-Vari qui ne manque pas de piquant.
À 13 heures déjà, Alain de Sigoyer, l’un des instigateurs de l’événement, ne cache pas sa joie : « On a une journée sous le soleil. Lors de la déambulation ce matin, on a pu voir la joie qu’il y avait autour des comédiens, des troubadours et de la troupe de Gric de Prat. Cette journée, c’est beaucoup de joie. » De la joie, on en retrouve dans les assiettes. Plus de 400 repas seront servis sans compter les grillades.
Malgré la chaleur accablante, l’énergie ne retombe pas. Le crieur de la journée y est sans doute pour quelque chose, le costume était taillé sur mesure pour l’infatigable Jean-Christophe Charnay.
Aliénor s’invite à la table ronde
Sous diverses formes, l’influence d’Aliénor s’est manifestée tout au long de la journée par des chorales, un concert de l’association Chalemine ou encore une exposition des Amis du musée Lapios retraçant la vie de la Reine et ses diverses représentations à travers les âges. Présente tout au long de la journée, Nathalie Schreiber de la Libr’Eyre avait convié plusieurs auteurs pour discuter autour d’une table ronde dédiée à la lointaine ancêtre d’Elizabeth II.
Puis Aliénor monte sur scène. D’un seul coup, les combats fictifs de chevalier à l’aide d’une lance en bambou, le tir à l’arc et l’agitation cessent. Il est déjà 18 heures, la troupe de Christiane Mouls remonte sur scène pour un spectacle mêlant art de scène et récit pédagogique d’une vie si singulière. Tel est le dernier acte d’une journée que l’on aurait aimé éternelle. Les ingrédients employés ce dimanche furent sensiblement les mêmes que lors des fêtes de l’OTSI, aux manettes d’une fête semblable organisée il y a bien des années.
En lançant le pari de ressusciter cette vieille tradition, le collectif d’associations a surtout porté avec fierté un héritage laissé par l’histoire. Celui d’Aliénor, celui de l’union mais aussi celui de la fête. Il a fait chaud, très chaud à Mons dimanche, mais n’était-ce pas le prix à payer pour dignement célébrer le retour de la reine sur ses terres natales ? Si cette réussite est le fruit d’une énergie commune et d’un travail de longue haleine, les troubadours, villageois, seigneurs et chevaliers le souhaitent vivement : n’attendons pas 900 ans pour se réunir une nouvelle fois autour d’Aliénor.