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RÉCIT. Il y a un an, l'incendie de Saint-Magne laissait place à un monstre de flammes

Par Corentin Barsacq

Une nuit de lutte intense entre le 9 et le 10 août 2022, comme ici, sur une piste forestière dans le quartier de Joué./Photo d'archives LB
Une nuit de lutte intense entre le 9 et le 10 août 2022, comme ici, sur une piste forestière dans le quartier de Joué./Photo d'archives LB

Le mardi 9 août 2022, en début d’après-midi, un incendie se déclare au nord du lac d’Hostens, sur la commune de Saint-Magne. Rapidement, le feu se propage dans les environs. Le Val de l’Eyre assiste à la naissance d’un incoercible monstre de flammes. Récit d’un incendie hors du commun, qui aura plongé le Val de l’Eyre dans une crise sans précédent.

(Article librement inspiré du travail réalisé dans l'édition papier du Belinétois.) La Teste, Landiras et Mano l’ont vécu peu de temps auparavant. Lorsque des flammes jaillissent au nord du lac d’Hostens, sur la commune de Saint-Magne, tous ont en mémoire les mêmes images, et espèrent ne pas les affronter à nouveau. En ce 9 août 2022, le mercure atteint une nouvelle fois des valeurs inquiétantes. Météo-France annonce 38°C à Belin-Béliet quand, au loin, un immense panache de fumée vient s’élever dans le ciel. Il est un peu moins de 13h, au lieu-dit Mussotte, zone quasiment en limite d'Hostens. Le départ de feu est décrit comme extrêmement virulent par les premiers pompiers présents sur place. 

Dès les premières heures de l'incendie, le brasier ne cesse de prendre de l'importance./Photo d'archives LB
Dès les premières heures de l'incendie, le brasier ne cesse de prendre de l'importance./Photo d'archives LB

Comme ce fut le cas à La Teste et Landiras, les moyens affluent dès les premiers instants du sinistre pour essayer de contenir ce feu naissant avant qu’il ne s’étende. Mais c’est peine perdue. Au sein du réseau d’informateurs du Belinétois, tous les pompiers s’accordent à dire que le pire est à venir : « Ça va taper fort » nous dit une source qui, malheureusement, ne s’est jamais trompée dans ses jugements. Sur les réseaux sociaux, la commune d'Hostens annonce l'évacuation en catastrophe des quartiers d'Haudoua, le Frayot et les Arroudeys. Deux Canadair et des hélicoptères bombardiers d’eau sont mobilisés dès 15h30. Simultanément, un autre feu se déclenche à Cabanac, tandis qu'un incendie à Sainte-Hélène contraint les moyens aériens à se déporter dans le Médoc. 

 

Une situation hors de contrôle

 

Trois heures plus tard, les évacuations se poursuivent. Un temps menacé, Belin-Béliet bénéficie pour quelques heures des vents changeants, mais 50 hectares ont d’ores et déjà été touchés dans un triangle formé par les localités de Saint-Magne, Hostens, et Belin-Béliet. 

L'incendie se rapproche dangereusement de certains quartiers./Photo d'archives LB
L'incendie se rapproche dangereusement de certains quartiers./Photo d'archives LB

À ce moment-là, on parle d’un front de feu de 300 mètres… À 20h, décision est prise d’évacuer le secteur de Joué puis Fraye par mesure de précaution. Les gendarmes quadrillent le quartier. Les secteurs de Rétis et Canet suivront du côté d'Hostens. Le bilan des dégâts a considérablement augmenté, on parle désormais de 400 hectares. Ce soir-là, « la situation est incontrôlable » nous souffle un sapeur-pompier désemparé devant l’évolution de l’incendie.

 

Un front de feu gigantesque semble en effet engloutir la forêt des Landes de Gascogne à une impressionnante vitesse. Les pins se transforment en allumettes, la commune d’Hostens est évacuée dans sa totalité, tout comme le bourg de Saint-Magne. À 23h, Le Belinétois annonce que le feu a franchi le palier des 1 000 hectares dévastés.  Du côté de la salle des fêtes de Béliet, des dizaines de camions se préparent à vivre une nuit décisive, et finalement horrible. Les renforts extra-départementaux affluent dans la cité d’Aliénor. La bataille se déroulera sur le flanc Est de Belin-Béliet.

 

Mercredi 10 août : la détresse porte un nom, Belin-Béliet

 

On a souvent cette image d’un soleil levant apportant du réconfort et de la gaieté, sous les cris du coq et de la faune sauvage des Landes de Gascogne. Mais ce matin-là, la faune n’est pas au rendez-vous. C’est bien le chant des sirènes qui réveille le Val de l’Eyre, sous un ciel recouvert d’un interminable nuage de fumée. Comme promis, la nuit a été longue, intense, chaotique. Les pompiers ont dû reculer à de nombreuses reprises. À la télévision, les mêmes images circulent en boucle. Des habitants ont perdu leur maison. La préfecture annonce 17 bâtiments détruits, dont des habitations. Hostens, Saint-Magne et Belin-Béliet sont livrés à eux-mêmes. Le monde semble être suspendu.

La maire de Saint-Magne, Ghislaine Charles, réclame plus de moyens. Le maire d’Hostens, Jean-Louis Dartiailh, voit une nouvelle fois sa commune être dévastée. Il est 8h. Le maire de Belin-Béliet Cyrille Declercq sort d’une réunion avec la préfecture :  Belin doit évacuer dès ce mercredi matin. Béliet évacuera dans l’après-midi.

Dans une ambiance terrifiante, le Val de l’Eyre bascule dans un brun violacé. Des files de voitures se forment aux sorties du village. Des compagnies de CRS viennent prêter main forte aux gendarmes pendant que la ville compte désormais plus de journalistes que d’habitants. Le paysage se rapproche d’une zone de guerre. Instinctivement, des bénévoles investissent les quartiers menacés. À Joué, certains défendent leur propre maison, mais les larmes ne suffiront pas à éteindre les dernières braises des habitations calcinées. L’innommable s’impose à la vue de tous.   

 

« On a vu un seul avion au-dessus de Joué hier soir. Il sont où tous les autres ? On est tout seul ! » déplore avec rage un habitant dévasté. Le bilan tombe dans la matinée. En une seule nuit, le feu a parcouru quasiment 6000 hectares de pins. L’inédit, et l’innommable, une nouvelle fois.

Dans les communes du Barp et de Salles, la solidarité s’organise. Des cellules de crise fleurissent dans les mairies, l’accueil des évacués se met en place. Le feu plonge alors vers l’A63, l’autoroute apparaît comme un dernier rempart. L’ordre est donné de couper la circulation. Dans les mairies, la mobilisation du personnel, des élus et des bénévoles permet de faire fonctionner la cantine au profit des sapeurs-pompiers et militaires mobilisés. 

 

Jeudi 11 août : une lutte sur tous les fronts

 

Tout au long de cette dramatique journée, près de 1000 sapeurs-pompiers luttent dans nos forêts. Cité Cazenave, le Puch, Joué, Boutox, le Meynieu, Fraye mais aussi le Hillan, Houdy-Séouze, Perron et le Bourdieu sont autant de quartiers forestiers que de points à défendre. Comme lors du feu de la Teste, des contre-feux sont allumés pour contrer l’avancée de l’incendie. Au matin du jeudi 11 août, la progression du feu a été moins virulente mais un nouveau secteur inquiète les autorités. Le feu prend maintenant la direction du Barp après avoir parcouru 6 800 hectares. Vers 11h, un quiproquo s’installe au poste de commandement. L’évacuation du quartier d’Haureuils est évoquée, mais finalement suspendue quelques minutes plus tard au regard de l’action des sapeurs-pompiers : « On a tenu la baraque » nous diront-ils. 

Des pompiers allemands stationnant sur la place de Belin./Photo archives LB
Des pompiers allemands stationnant sur la place de Belin./Photo archives LB

À l'arrière du front, les bénévoles tiennent aux aussi la baraque. Les troupes qui luttent contre les flammes peuvent se restaurer au domaine départemental d'Hostens, camp de base de l'incendie, mais aussi à la cantine scolaire de Belin-Béliet. Des petites mains confectionnent en ce lieu des centaines de repas à chaque service. La fatigue sur les visages des pompiers s'estompe, le temps d'un repas, face à la générosité de ces habitants altruistes. 

 

La fin d'un long cauchemar

 

La bascule commence à opérer depuis le 11 août. Les sapeurs-pompiers français, plus tard rejoints par d'importants moyens internationaux, commencent peu à peu à voir le bout du tunnel. Durant plusieurs jours, les interventions sont nombreuses sur des reprises qui ne cessent de se manifester. Mais la nouvelle communiquée il y a deux jours donne du baume au cœur : le feu ne progresse plus significativement. Il n’empêche que le brasier aura eu le temps d’atteindre les Landes, du côté de Moustey. Saugnac-et-Muret a également connu l’évacuation de ses administrés. 

 

À l’arrière, les bénévoles repoussent leur fatigue pour assurer la restauration des troupes. Du côté des dégâts, la préfecture annonce désormais que neuf maisons et huit dépendances ont été brûlées. Au soir du 13 août, des orages secs sont redoutés par les soldats du feu. Comme un signe enfin positif, ils finiront par contourner la zone incendiée. Le dimanche 14 août, à 14h30, l’incendie de Saint-Magne est déclaré fixé par le sous-préfet d’Arcachon, Ronan Leaustic. 

 

Les habitants peuvent réintégrer leurs habitations et devront, durant plusieurs semaines, s’habituer aux reprises et autres alertes heureusement sans gravité. Preuve de l’intensité des faits, l’incendie de Saint-Magne sera déclaré éteint plus d’un mois après sa naissance, le 28 septembre 2022. 7 400 hectares de forêt disparaîtront dans les flammes de ce second brasier dont l'origine serait une résurgence de l'incendie de Landiras. 

Au fil des kilomètres, les paysages calcinés se répètent inlassablement./Photo d'archives LB
Au fil des kilomètres, les paysages calcinés se répètent inlassablement./Photo d'archives LB

Belin-Béliet paiera un lourd tribut de cette catastrophe par la perte de 3 746 hectares. Hostens, en plus d'une perte de de 1300 hectares lors de l'incendie de Landiras, enregistrera une surface supplémentaire de 2 100 hectares brûlés.

 

Lire aussi : Incendie de Landiras et Saint-Magne : quelles sont les communes les plus touchées par les flammes ?

 

À Saint-Magne, commune tristement associée au braiser, l'étendue des dégâts s'élèvera à 865 hectares tandis que la percée des flammes dans les Landes causera une perte de 381 hectares sur le territoire communal de Moustey. 

  • LE FILM DU BELINÉTOIS SUR L'INCENDIE DE SAINT-MAGNE