Par Louna Lavergne & Corentin Barsacq
Face à l’arrivée d’une résidence intergénérationnelle comportant 55 logements à Salles, quatre propriétaires de maisons situées rue du Castera et rue de la Haute-Lande s’unissent pour demander la réduction du projet. « Obstruction de la luminosité », « vis-à-vis à 10 mètres », « problème de stationnement » ou encore « dépréciation de leur propre bien », les riverains soulèvent les désagréments que pourrait engendrer la construction de cette résidence.
Le plan local d’urbanisme de Salles n’est pas la lecture que Ludovic Bazus aimerait d’ordinaire avoir sur sa table de chevet. Pourtant, depuis l’annonce d’un projet immobilier en face de leur habitation, Ludovic et Julie s'efforcent de connaître le dossier et les termes techniques qui l'entourent. En compagnie de leurs voisins, Pierre Lalande et Jean-Bernard Terraz, tous deux habitants rue du Castera, ils tentent de faire réduire l’ampleur du projet qui verra le jour prochainement « à dix mètres de leurs fenêtres ».
En arrivant à Salles en 2018, Julie et Ludovic Bazus achètent leur maison en ayant connaissance d’un projet de résidence sénior en R+1 à venir. C’est à l’été 2023 que cette information revient aux oreilles des propriétaires Sallois, conviés à une réunion d’informations pour les habitants concernés au mois de juin, de même que leurs voisins Pierre Lalande et Jean-Bernard Terraz.
Lors de cette réunion, tous apprennent l'étendue du projet porté par l’opérateur Clairsienne, et qui va s’installer à une dizaine de mètres de leurs murs : 55 logements dont 28 sociaux et 27 à destination des seniors. « Ce seront des T2 pour les seniors et des T2 à T4 pour les logements sociaux, ce qui représente ainsi une plus grosse part » note Julie Bazus.
« Manque d’intimité, perte de luminosité » … Les craintes des riverains
Depuis cette réunion, les quatre voisins se sont réunis autour d’une même volonté : faire réduire la voilure de ce projet, sans toutefois contester son utilité : « Nous ne sommes pas contre ce projet. Nous sommes contre son ampleur et les nuisances qui l’accompagneront », précise en chœur le collectif. En effet, les craintes sont nombreuses du côté de ces habitants de la rue de la Haute-Lande et de sa rue perpendiculaire du Castera.
Tout d’abord, les riverains soulèvent une perte d’intimité due à l’agencement du projet. « Le parc sera à l’arrière et les bâtiments avec vue sur nous, c’est un non-sens total de l’avoir orienté ainsi » déplore Julie Bazus. L’orientation des bâtiments laisse aussi craindre une perte de luminosité. « Un mur de dix mètres sera apposé à une dizaine de mètres de notre façade » explique Ludovic Bazus. Le couple et leurs voisins pointent également du doigt « des soucis d’évacuation et d'égouts de l’automne dernier au niveau de la Leyre. »
« Un projet qui n’est pas homogène par rapport à la réalité »
La voirie est une des préoccupations majeures des riverains du quartier concerné. L’école se trouvant plus haut, les habitants craignent une pollution sonore matin et soir à la sortie rue du Castera. « Il y a déjà des embouteillages dans la rue le matin », explique Jean-Bernard Terraz, avec une photo appuyant ses dires prise le matin même. « La route est censée passer à double sens, mais le seul moyen pour que ça passe serait d’utiliser les trois mètres qui séparent le futur bâtiment du muret actuel, mais cet espace est non-constructible dans le PLU » s’inquiète Ludovic Bazus.
Les voitures qui circulent la journée doivent évidemment stationner le soir venu. Là encore, l’inquiétude des riverains monte au regard du fait qu’une seule place de parking serait prévue pour chaque logement : « Ce qui veut dire que les foyers à deux voitures devront se garer ailleurs alors qu’il est déjà compliqué de trouver une place aujourd’hui » explique le couple de néo-Sallois qui poursuit : « Les séniors et les enfants ne sont pas les plus mobiles par leurs propres moyens : cela va à l’encontre de la volonté de déplacements doux exposée par la commune ». Natifs et nouveaux habitants sont donc du même avis : « On est sur un projet tout seul, qui n’est pas homogène par rapport à la réalité ».
Une demande de modification du projet lancée
Pour se faire entendre, les habitants des deux rues ont approché la municipalité, sans succès. « Quand on veut parler à la mairie, on se heurte à un mur » déclare Ludovic Bazus. En manque de réponses, les quatre voisins ont décidé de faire une demande amiable de modification de projet pour une réduction de celui-ci. Avec cette action, les résidents espèrent être entendus alors que le permis de construire a été délivré le 16 janvier et affiché la semaine suivante.
« Nous déplorons une mauvaise gestion de communication et un manque de prise d’informations auprès des riverains, on est mis devant le fait accompli » souligne Pierre Lalande, s’appuyant sur la modification du PLU pour que le projet rentre dans les critères définis ou encore le permis de construire apposé dans la rue alors que l’adresse désignée se situe au niveau du rond-point. « Tout est fait en catimini » poursuit le Sallois de souche.
Aucune raison de faire machine arrière pour la mairie
Contacté par Le Belinétois, le maire de Salles Bruno Bureau conteste toute volonté d’agir à l’abri des regards : « Toutes les informations ont été transmises aux riverains lors de la réunion organisée avant le dépôt de permis de construire. C’était le moment où il fallait s’exprimer. » Surtout, l’élu rappelle le caractère privé du projet : « C’est une propriété privée qui a été vendue et pour laquelle nous ne faisons que travailler le projet avec les aménageurs ».
Bruno Bureau corrige également la dimension donnée au projet : « C’est un R+1 avec un +2 mansardé pour faire en sorte que la hauteur sous plafond corresponde aux hauteurs des bâtiments de la rue de la Haute-Lande. Le projet a été intégralement travaillé avec l’architecte des Bâtiments de France » poursuit le maire, qui indique que « le projet ne changera pas ».
Une nouvelle réunion pourrait être organisée prochainement entre les riverains et la municipalité, mais Bruno Bureau ne compte pas ralentir l’avancée du chantier : « Le permis de construire est déposé. Maintenant c’est trop tard. Le chantier devrait débuter dans quinze jours ».
Au moment d’évoquer les solutions possibles avec les riverains, le couple Bazus et leurs voisins rayent immédiatement l’idée d’un déménagement. « C’est invendable maintenant, il y a une dépréciation non-négligeable de la valeur de notre bien à cause de ce projet. » Tombés amoureux du charme du Val de l’Eyre, Julie et Ludovic ne souhaitent pas quitter leur maison si tôt après l’acquisition. « Cette maison, ça représente l’achat d’une vie pour nous, alors que le bailleur social va, lui, réussir à rembourser sur dix ou quinze ans… »