Par Corentin Barsacq
Figure locale à jamais liée à l’histoire et au patrimoine de Salles, l’auteur Serge Martin est décédé mercredi 27 mars. Homme généreux et passionné, il formait avec son épouse, Marnie, un binôme indissociable qui a tant œuvré pour l’enseignement, la jeunesse, l’art et l’histoire locale.
« Regarde ça, ce sont les illustrations de Marnie. » Au moment de saisir l’un de ses ouvrages, Serge Martin ne dérogeait jamais à une règle qu’il s’était, semble-t-il, fixée. Rester dans l’ombre pour contempler la lumière sur les autres. Serge Martin était instituteur de métier, puis directeur d’école. Il est décédé en début de semaine à l’âge de 83 ans. À Salles, il était cet homme à l’humilité déconcertante, d’abord à se soucier des autres avant de parler de lui. Né en 1941 d’une mère sage-femme en Algérie et d’un père qu’il ne connaîtra pas, Serge Martin n’a que 15 ans lorsqu’il se retrouve orphelin.
« C’était une vie dure, alors j’ai tout de suite dû gagner ma vie » nous expliquait-il il y a quelques années. Élevé par ses oncles et tantes à Bègles, il entre à la faculté mais abandonne les études. À l’époque, on manque d’instituteurs dans le pays. Serge Martin l’ignore, mais c’est pourtant son métier de prédilection. En 1960, alors jeune professeur, on l’envoie devant une classe de trente élèves à l’école Gambetta de Bègles. Le baptême du feu est relevé, Serge Martin forge ce désir de transmettre son savoir, d’inculquer des valeurs, mais surtout d’accompagner la jeunesse dans son développement.
Pour le bonheur des écoliers de Salles
Toutes ces qualités, Nicole "Marnie" Martin, née Lapenue, les partageait également. Petite-fille du peintre André Estibal, elle débutait elle aussi une carrière d’institutrice en région bordelaise lorsqu’elle rencontrait Serge. Le couple s’est marié en 1965 avant que Nicole ne donne naissance à leur fille Sophie. En 1968, la famille s’installe à Salles, où Serge Martin est promu directeur de l’école primaire. Le couple fut aux manettes de l’établissement scolaire durant près de vingt ans.
Une gestion à l’ancienne, où Nicole composait les menus de la cantine, et Serge se démenait pour trouver les ingrédients du jour chez les commerçants du coin. Chaque été, 80 Sallois partaient en colonie de vacances. Une fierté pour Serge et Nicole, alors même que certains enfants n’avaient, jusque-là, pas eu la chance de partir en vacances. « C’était une époque formidable une vie simple. Dans la classe, il pouvait y avoir le fils du gérant de la scierie et le fils de l’ouvrier. Ils étaient copains, ça faisait un beau mélange » s’amusait Serge.
Marnie était l’art, Serge l’histoire
Aussitôt la retraite actée, Nicole et Serge n’ont jamais vraiment eu le temps de s’ennuyer. À l’aube des années 2000, le Sallois à la verve poétique faisait les beaux jours du quotidien Sud Ouest en tant que correspondant local de presse tandis que Nicole, ô combien douée pour les compositions plastiques, a écumé les salons de la région et de l’Hexagone pour exposer ses œuvres. Son premier fan, Serge, ne tarissait pas d’éloges sur celle avec qui il réalisera plusieurs ouvrages. Car ils formaient un couple fusionnant à la fois intellectuellement et artistiquement, Serge et Marnie ont une première fois publié « Le Val de l’Eyre, promenade et itinéraire ». Serge était à l’écriture, Marnie à l’illustration. Un fonctionnement bien huilé que l’on retrouvera sur quatre autres ouvrages dédiés à l’histoire du Val de l’Eyre mais aussi du bassin d’Arcachon.
Serge aimait l’environnement, la cuisine d’antan, le patrimoine et les vieilles légendes du cru. Le jardin de Marnie, qui égayait l’extérieur de cette maison d’artiste du chemin de Peloc, avait fait l’objet d’un dernier livre « Jardin intime » que Serge a dû finir seul. Marnie est partie en mars 2020. Aussitôt le confinement levé, Serge avait souhaité honorer la mémoire de sa défunte épouse en poursuivant son œuvre. Dans cet univers qu’ils avaient pourtant créé à deux, l’auteur a tenu sa promesse en faisant vivre Marnie à travers un livre, mais aussi des expositions. On se souvient de l’expo-vente organisée à Salles, qui avait permis de récolter la somme de 7 540 € versée au CHU de Bordeaux, comme l’avait souhaité Marnie.
Serge Martin, digne érudit qui aimait raconter des histoires, n’avait rien perdu de son talent, y compris au soir de sa vie. D’une aide précieuse dans la rédaction de certains articles, il était une source d’information, mais surtout d’inspiration. Divers projets touristiques menés dans le Val de l’Eyre ont vu le jour grâce à lui. En début d’année, au moment d’échanger les vœux, il y avait bien sûr la santé, mais aussi l’écriture. Serge voulait prendre sa plume. Le Belinétois souhaitait l’accueillir. Dans un dernier souffle, cette plume s’est finalement envolée pour retrouver sa Marnie. Un couple exceptionnel est de nouveau réuni.
Le Belinétois tient à adresser ses plus sincères condoléances à la famille et aux proches de Serge Martin. Ses obsèques civiles auront lieu le mercredi 3 avril, à 11h, au crématorium de Biganos.