Par Corentin Barsacq
À 32 ans, Julien Robédé a décidé de quitter le pré de Lanquette. Le bouillonnant « Gachette » avait rejoint les Sangliers à tout juste 20 ans, au niveau fédéral, et a disputé son dernier match de rugby contre Marcq-en-Barœul. Portrait d'un des dépositaires des valeurs salloises.
Les habitués de Raymond-Brun diront qu’il tire sa révérence au sommet de son art. À l’issue de la défaite contre le finaliste nordiste le 27 avril dernier, Julien Robédé n’avait pas tout perdu. Si la déception en tant que sportif était au rendez-vous, la fabuleuse saison de l’US Salles a tout de même permis à l’un de ses fidèles serviteurs de prolonger le bonheur de quelques matchs et de faire ses adieux au rugby à domicile, devant les siens.
À 32 ans, Julien Robédé a assez donné à l’ovalie. Lanquette lui a d’ailleurs bien rendu par un hommage appuyé à l’issue du dernier match de la saison. Natif du Bassin d’Arcachon, l’homme aux origines basques découvre le rugby sur le tard, du côté de Lège-Cap-Ferret : « Je n'ai commencé qu’en minimes. Quand j’ai eu 20 ans, il y a eu une vague de départ au sein du club, je ne savais pas trop quoi faire » se souvient-il. Un anniversaire d’une cousine, quelques discussions avec le cuistot sallois Christian Limonta et voilà que le jeune seconde ligne quitte les bords du Bassin pour les berges de la Leyre.
Gachette ? « Un surnom pas très glorieux »
En 2011, l’US Salles enregistre donc l’arrivée d’un jeune joueur qui ne tarde pas à s’imprégner de l’ADN du Val de l’Eyre. Signe d’une adaptation rapide, Julien Robédé hérite rapidement d’un chaffre dont les Sallois ont le secret. Si le jeune homme est arrivé presque timidement au sein du club, les premiers matchs amicaux laissent apparaître une surchauffe rapide, jusqu’au premier match en Espoirs, contre le Bassin d’Arcachon : « J’avais fait quelques matchs amicaux où j’étais un peu tendu. Pour le premier match en compétition, je tombe sur un derby et il y a eu une petite bagarre… ». Julien Robédé n’est pas le dernier à s’y filer. La suite pourrait être racontée par le plancher orbital du talonneur adverse : « Mais il n’y a rien de glorieux. À l’époque, on jouait encore ce rugby à l’ancienne. Moi, je n’avais connu que ce rugby de village que j’ai pu retrouver à Salles. C’est vrai que ça se bagarrait beaucoup. À Salles, on disait qu’on était un peu des sauvages » analyse-t-il aujourd’hui.
« Gachette » est donc né ce jour-là et a largement contribué à la réputation des Sangliers : « Ce que j’aime dans le rugby, c’est l’esprit de famille et le combat. Quand t’as passé une mauvaise semaine ou une mauvaise journée au boulot, t’arrives sur le stade et tu lâches tout. Ça te libère ».
Capitaine et champion de France
Si Julien Robédé avait tendance à un peu trop se lâcher dans ce que l’on désignera comme des batailles rangées (ou désordonnées), les habitués de Lanquette diront qu’il a su s’assagir au fil des saisons. Mieux que ça, le joueur est devenu une pièce maîtresse dans le jeu sallois. Capitaine durant plusieurs saisons, présents lors de la descente en Fédérale 3 et artisan du titre de champion de France en 2016, le bouillonnant Sangliers est devenu l’étendard d’un rugby préservé : « Quand on ne te respecte pas, tu dois faire en sorte qu’on te respecte ».
Jamais trop éloigné de ses compères Joris Cipresso et Brian Recher, il est de cette équipe qui s’incline face à Mauléon en 2019 et qui doit patienter avant d’accéder à la Fédérale 1, en 2022. Lors du match d’accession contre Layrac, le genou lâche, les ligaments croisés avec. À 30 ans, Gachette se dit que le coup de sifflet final a été donné : « Quand je me suis blessé, je ne voulais plus rien faire. C’est ma copine qui m’a dit que je devais me bouger le c*l ». La rééducation est longue, mais le jeu en vaut la chandelle. Gachette fait son retour au sein de l’effectif des Espoirs, là où tout a commencé. Prenant part à la préparation de la saison en Nationale 2, le trentenaire n’a pas eu le temps de connaître un hypothétique déclin de fin de carrière. Sous les ordres du manager Yannick Vignette, il découvre la Nationale 2 au prix d’un mental renforcé : « Au début, je ne pensais pas trop jouer. Mais mentalement, j’ai été assez fort pour me préparer et pour jouer ».
Le dernier essai
Symbole d’un jeu sallois qui sait se transcender, Julien Robédé devient l’un des gardiens de la deuxième et troisième ligne, héritant du brassard lors de l’absence de son acolyte Recher. Une saison singulière par son exigence, mais aussi par de diverses fiertés. Contre le Stade Langonnais ou le RC Bassin d’Arcachon, le chaudronnier ne boude pas son plaisir des victoires, même si le dernier match perdu contre Marcq-en-Barœul reste un regret, « sans en avoir ». Sur le papier, le rugbyman ne devait pas être là, ni même son équipe d’ailleurs : « On voulait que l’aventure continue. Quand tu sais que c’est ton dernier match, à Salles, il faut faire une prestation digne de ce nom ». Propulsé dans l’en-but par Joris Cipresso, Gachette a inscrit le seul essai des Sallois. Comme un symbole : « C’était quand même une super journée » confie-t-il.
Désormais sur la touche, Julien Robédé aura bien plus de temps à consacrer à sa famille. Car mine de rien, le rugby « c’est aussi des sacrifices ». Mais les concessions d’hier seront aussi celles de demain. Le guerrier compte bien prendre du repos avant de revenir au sein du club sous un autre rôle. Surtout, il compte veiller sur l’ADN du club, une fibre à égrener au sein des différentes équipes : « À Salles, on sait jouer au ballon d’une manière rugueuse. Les mecs qui arrivent doivent comprendre le sens de notre jeu et on doit les accompagner pour garder nos valeurs ».