Par Louna Lavergne
Pour leur programme de recherche “Habiter les cendres”, seize étudiants en master de géographie de l’université Bordeaux Montaigne sont partis à la rencontre d’habitants du Val de l’Eyre et de la Haute-Lande. Ils présentaient leurs conclusions ce lundi 27 mai dans une salle des fêtes bien remplie pour l’occasion.
Étrangers au territoire Sud-Girondin, les étudiants s’y sont aventurés pour parler de l’après-feu avec une population qui était malheureusement au plus près du sujet. Mais derrière la gentillesse des magrets et boudins offerts en cadeau par les habitants se cachait aussi une tristesse difficilement dissimulable et un vide impalpable.
Ces seize étudiants en master de géographie “Territoire Images Environnement” ont quitté la métropole pour venir à la rencontre des habitants durement touchés par les incendies de l’année 2022, plus précisément Landiras 1 et 2. Ces rencontres s’inscrivent dans un programme de recherche Action mené sous l’égide de Véronique André-Lamat, maîtresse de conférence et du doctorant Arthur Guérin-Turcq et se sont déroulées avec l’aide des communes du territoire étudié par les jeunes. Le résultat de leurs recherches ont été présentés ce lundi à la salle des fêtes de Béliet.
60 entretiens pour autant de ressentis différents
Pour réaliser le projet “Habiter les cendres”, les étudiants pessacais ont déposé près de 400 questionnaires dans les boîtes aux lettres de différentes communes telles que Saint-Magne, Belin-Béliet, Louchats, Guillos ou encore Mano. Une fois les 82 réponses reçues étudiées, les apprentis géographes ont mené une soixantaine d'entretiens composés de parcours commenté, cartes sensibles ou encore de photographies.
À l’aide de ces méthodes, le but était de comprendre les conséquences d’une telle catastrophe. “Appréhender comment se projeter sur un territoire resté le même pourtant si différent après la catastrophe”, tel était le but de leurs observations.
En collectant la parole de différents habitants, le groupe d’universitaires a réalisé cinq films, projetés ce lundi. Le deuil de la forêt et la nécessité de retrouver ses codes dans son environnement proche est évoqué dans le premier film par Laurianne qui, depuis les feux, a multiplié les plantes dans sa maison. La sylviculture et ses méthodes sont également au cœur de deux films avec des interrogations dans l’un et des réponses de professionnels du secteur dans l’autre. Ces ressentis différents vis-à-vis de la catastrophe, de ses conséquences et de ces leçons ont finalement mené à des conclusions communes.
Une forêt présente dans les esprits
Au moment d’exposer leurs résultats, les étudiants ne manquent pas de souligner les thèmes et champs lexicaux récurrents dans les entretiens. Le deuil et la mort reviennent souvent dans la bouche des personnes interrogées qui évoquent notamment “un massacre”, “un cimetière d’arbres”, "une perte" ou encore “un traumatisme”. Parmi les sentiments transmis, celui d’abandon est également mis en avant. Souvenez-vous, à l’été 2022, l’incendie de Landiras et le feu de La Teste se téléscopaient. Certains Sud-Girondins se sont alors sentis délaissés au détriment du Bassin d’Arcachon. La remarque d’un habitant parlant de lui et ses compatriotes comme des “bouseux de Landiras” ne manquera pas de faire esquisser quelques sourires timides mais consentants dans la salle des fêtes.
La monotonie du paysage est une des conséquences malheureuses des flammes. “Une morne plaine” se dessine maintenant comme une trace persistante qui réactive la mémoire des incendies. Si quelques interrogés ont notifié une perte de repères évidente après avoir perdu la forêt qui les entourait, beaucoup la considèrent encore présente dans l’esprit. Héritage des Landes de Gascogne et patrimoine sud-girondin, la forêt, désormais réduite en cendres, demeure dans le cœur des habitants du territoire, bien qu’intangible.
Après la mort, vient la naissance. Ou plutôt la renaissance. Certains habitants ont pu voir les engins s’affairer en forêt pour planter de nouveaux arbres, d’autres ont eut l’impression d’emménager une seconde fois en rencontrant des voisins avec lesquels ils n’avaient jamais parlé. Mais cette solidarité et l’espoir d’un horizon vert à nouveau n’écartent pas les craintes de beaucoup de voir les mêmes erreurs de plantations se reproduire, ou bien de voir d’autres choses s’installer à la place des pins comme des panneaux photovoltaïques ou encore des logements suite à une urbanisation grandissante sur le territoire.