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Val de l’Eyre : face à l’invasion des écrevisses de Louisiane, les pêcheurs contre-attaquent

Par Corentin Barsacq

Malgré un équipement sommaire, Quentin et ses amis ont pêché une trentaine d'écrevisses dans la Gaure./Photo CB
Malgré un équipement sommaire, Quentin et ses amis ont pêché une trentaine d'écrevisses dans la Gaure./Photo CB

Dans la Leyre comme dans ses affluents, l’écrevisse de Louisiane prolifère depuis plusieurs mois sur le secteur de Belin-Béliet. Près des ruisseaux, les pêcheurs sont plus nombreux que d’habitude afin d’endiguer ce fléau et limiter l’impact de l’espèce invasive sur son milieu. 

 

« On n’a jamais vu ça ». D’un pêcheur à l’autre, le discours rapporté reste le même. Depuis plusieurs semaines, tous ont remarqué la présence bien plus importante ces dernières semaines des écrevisses de Louisiane. Cette espèce invasive prolifère en effet dans les marais, mais aussi les fossés agricoles du plateau Landais. L’un des premiers à avoir donné l’alerte est Jean-Philippe Treuil, président de l’association de pêche du Brochet Beliétois :  « Il y a plusieurs années, je trouvais déjà qu’il y en avait beaucoup. Mais cette année, avec l’hiver doux et les marais qui sont restés longtemps en eau à cause de toutes ces pluies, l’espèce s’est reproduite à grande vitesse ». 

 

L’écrevisse de Louisiane, qui pullule dans le Sud-Ouest depuis de nombreuses années, pond jusqu’à 600 œufs en hiver. Par la suite, l’espèce se nourrit d’œufs de poissons ou d’amphibiens dans ses premiers jours de vie, avant de focaliser son alimentation sur les végétaux : « Elles ont colonisé le marais et aujourd’hui, cela met en péril la reproduction du Brochet Aquitain » se désole le pêcheur belinétois.

 

« Ces écrevisses traversent même les routes »

 

Guide rivière au Parc naturel régional des Landes de Gascogne, Laurent Degrave a lancé un appel à tous les pêcheurs dans le but de contribuer à la sauvegarde du milieu et ainsi limiter son dérèglement : « L'espèce colonise massivement le territoire depuis les marais de la Leyre jusqu'aux fossés agricoles du plateau landais ! Ces écrevisses traversent même les routes depuis quelques mois déjà. Cela peut amener à stériliser le milieu qui reste aussi trouble du fait de l'activité de cette écrevisse exotique envahissante ». Importée des États-Unis dans un but commercial il y a plusieurs siècles, l’espèce exotique est aujourd’hui une véritable menace pour l’équilibre de la faune et la flore de la Leyre. Ces derniers jours, les bénévoles du Brochet Beliétois, l’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique, ainsi que les pêcheurs du territoire, ont multiplié les sessions de pêche, notamment dans la Gaure. 

Les écrevisses se pêchent à l'aide d'une balance et d'un morceau de viande./Photo J-P.T
Les écrevisses se pêchent à l'aide d'une balance et d'un morceau de viande./Photo J-P.T

« Pour capturer des écrevisses, il faut se munir d’une balance dans laquelle on glisse un morceau de viande. Au bout de quelques minutes, la balance sera pleine », assure Jean-Philippe Treuil, qui multiplie les récits de prise hors norme à l’aide d’une nasse : « Un habitant du Graoux a trouvé plus de 700 écrevisses de Louisiane dans sa marre. » Non loin de là justement, dans l’ancien centre d’animation du Graoux, Quentin et ses amis profitent d’un samedi matin estival pour se retrousser les manches, et les pantalons. Les pieds dans l’eau, le quatuor traque l’écrevisse à l’aide d’épuisettes : « On fait comme on peut » s’amusent les amis qui indiquent, avec un brin d’humour, avoir répondu à « l’appel de la nature ». 

 

Une réglementation bien précise

 

Il n’empêche que même avec un équipement sommaire, plus de trente écrevisses sont entassées dans un seau pour être plus tard cuisinées. Si le groupe est novice dans l’art de la pêche, il maîtrise tout de même la réglementation. En plus de disposer d’une carte de pêche, il est interdit de transporter ces espèces d’écrevisses vivantes. C’est pourquoi ces dernières seront « châtrées », un terme désignant le fait de retirer le tube digestif de l’écrevisse en tournant, d’un coup sec, la partie centrale de la queue. 

Les écrevisses doivent être obligatoirement tuées avant d'être transportées./Photo LB.
Les écrevisses doivent être obligatoirement tuées avant d'être transportées./Photo LB.

Ce week-end, en bordure du pont de Mesplet et malgré les premières chaleurs caniculaires, d’autres pêcheurs se mobilisaient pour chasser l’espèce exotique. Certains assument ne pas avoir de carte de pêche : « Si l’on veut préserver les poissons et la végétation, tout en contribuant efficacement à la pêche des écrevisses, il faut être tolérant. On ne fait rien de mal. Ce n’est pas comme si on pêchait du poisson », pense Romain, originaire des Landes. 

 

Rappelons tout de même que le prix d’une carte journalière est fixé à 13 € pour les adultes, ou à 6 € pour les enfants. Notons également que la pêche d’écrevisses est limitée à six balances par pêcheur. Dans les mois à venir, des études permettront de mesurer plus précisément l’impact de cette prolifération sur la Leyre.  

 

Plus d’informations : https://www.cartedepeche.fr