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Val de l’Eyre : « Avant la fusion, on disait qu’à Belin, c’était les souliers et les sabots à Béliet »

Par Corentin Barsacq

Belin traînait la réputation d'être "plus urbain" que Béliet, plus tourné vers la ruralité./Photo collection Gérard Souleyreau.
Belin traînait la réputation d'être "plus urbain" que Béliet, plus tourné vers la ruralité./Photo collection Gérard Souleyreau.

Jusqu’au 6 septembre, date à laquelle débutera le cinquantième anniversaire de la fusion de Belin-Béliet, Le Belinétois revient, au travers d’une série d’articles, sur les moments marquants de ce mariage entre les deux villages du Val de l’Eyre. Avant 1974 et la proclamation de l’unification de Belin-Béliet, une guerre de clocher qui ne disait pas son nom semblait maintenir les hostilités entre les deux populations. 

 

« On sortait à peine du corbillard à cheval » se souvenait Serge Ballion, interrogé il y a quelques années au sujet de la fusion de Belin-Béliet. À l’aube des années 70, Belin et Béliet sont deux communes séparées par une ligne de chemin de fer qui perce une forêt omniprésente sur le territoire. À l’époque, Serge Ballion est membre du bureau d’étude des usines Cazenave. Au sein des établissements, il est dessinateur industriel et côtoie aussi bien des employés de Belin, que de Béliet : « Il n’y avait pas de conflit au sens propre. En revanche, il y avait des idées et des histoires qui se transmettaient dans les mémoires » relève-t-il. 

 

À l’époque, les jeunes du village savaient que leurs aïeuls se retrouvaient, il y a bien longtemps, à hauteur de la gare de Belin pour en découdre entre les deux « clans ». Une « guerre des boutons » qui s’était peu à peu estompée, pour finalement laisser place à une forme de guerre de clocher dissimulé. Dans les deux communes en effet, les mariages entre les jeunes de Belin et de Béliet effacent le clivage : « Au moment où j’avais parlé de la fusion à ma mère, elle m’avait répondu : « Moi la fusion, ça fait bien longtemps qu’elle est faite », se remémore Linette Saint-Etienne. Cette dernière était issue d’un mariage entre une mère de Béliet, et un père de Belin. « À l’époque, il y avait une rivalité, une forme de jalousie. On disait qu’à Béliet, on allait faire les courses en sabot et qu’à Belin, il fallait chausser les souliers. »

 

Les chasseurs de Belin n’allaient pas à Béliet

 

Tel était donc l’héritage laissé par les anciens. Sur d’autres aspects, la séparation de Belin et Béliet pouvait entraîner quelques tensions, notamment à l’égard de la chasse. Interrogé par la commune de Belin-Béliet en 2014, Jean Seinlary se souvenait d’une règle tacite : les chasseurs de Belin ne devaient pas chasser à Béliet et vice-versa. Enfin, l’Occupation allemande a également laissé des traces dans les relations entre les populations, où les non-dits persisteront pour encore quelques décennies. 

La rue Saint-Vital concentrait les commerces de Béliet./Collection Gérard Souleyreau.
La rue Saint-Vital concentrait les commerces de Béliet./Collection Gérard Souleyreau.

En ce sens, les a priori étaient tenaces malgré une évolution des mœurs : « Belin avait la réputation d’être un peu plus moderne », pense Linette Saint-Etienne. Béliet, qui vivait en grande partie de la sylviculture, comptait alors moins de commerces, de grandes propriétés ou encore de grands bâtiments. Du côté de Belin, on trouvait notamment une caserne mais aussi les établissements Cazenave, locomotive économique du Val de l’Eyre. 

 

Seulement, au début des années 70, l’âge d’or de l’entreprise familiale est d’ores et déjà passé. Exit les 900 ouvriers et les bus bondés de Bordelais qui viennent travailler dans la cité d’Aliénor. Les cycles ont moins la cote, le cyclomoteur s’impose comme la nouveauté du marché et les premiers licenciements ne trompent pas. En 1970, le député-maire de Belin Franck Cazenave quitte la direction des usines fondées par son père, Louis.  Deux ans auparavant, « mai 68 » avait été marqué, à Belin, par plusieurs vagues de licenciements… Dans les deux communes, on craint la disparition d’un empire industriel de renom. Surtout, les écoles de Belin et Béliet pourraient voir les effectifs drastiquement diminuer…